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Le revers du militantisme

22 mars 2023 - Matthieu Fannière

Le militantisme nous plonge au coeur de l’injustice. Comment préserver sa santé mentale ?

Ballon à l'image de la Terre qui se dégonfle.

Angoisse lucide

Chez plusieurs, la crise climatique nourrit l’inquiétude et la peur, mais aussi la colère, la culpabilité ou l’impuissance. On parle d’écoanxiété lorsque ces émotions mènent à un sentiment de mal-être ou de détresse.

Au Québec, en 2021, près de la moitié des jeunes de 18 à 24 ans disent présenter des symptômes d’écoanxiété, selon une étude de l’Université de Sherbrooke.

Cela se traduit généralement par des pensées sombres et obsessives sur l’avenir, qui se manifestent en continu ou par vagues. Plus rarement, les victimes d’écoanxiété font des cauchemars ou ont de la difficulté à éprouver
du plaisir. Dans ce cas, il importe de consulter une aide professionnelle.

L’écoanxiété n’est pas une maladie. C’est une réaction normale à une menace
réelle. Elle peut même devenir un moteur de changement. S’engager dans sa vie personnelle, professionnelle, associative ou politique, voilà une bonne façon d’apprivoiser l’écoanxiété.

Éco(moins)anxieux

  • S’informer sur les causes des changements climatiques, mais aussi sur les comportements à adopter.
  • S’entourer de personnes qui nous comprennent.
  • S’engager dans des actions qui nous tiennent à coeur.

Piles à plat

L’aventure militante s’échelonne souvent sur plusieurs années. Elle peut occuper beaucoup de place, dans l’agenda comme dans la tête. Parfois,
jusqu’à l’épuisement.

Le surmenage militant entraîne une souffrance. Les activistes à bout de souffle ressentent une sensation de découragement, de vide. La fatigue, l’irritabilité et l’anxiété sont au rendez-vous. Dans certains cas, des migraines et des crises de panique surviennent.

En mode économie

  • Connaître ses limites et préserver son énergie.
  • Réaliser que la perfection militante n’existe pas.
  • Se concentrer sur ce qu’on peut contrôler.
  • Prendre une pause lorsque nécessaire (et sans culpabilité).
  • Conserver un réseau de soutien diversifié, pas uniquement de militant·e·s.
  • Demander de l’aide dès qu’on en sent le besoin.

Désobéir pour agir

En 2021, Jacob Pirro abandonne ses études pour se consacrer à la lutte pour le climat. En octobre dernier, avec le collectif Antigone, il occupe le terminal pétrolier de la société Valero, à Montréal-Est. L’objectif ? Protester contre l’exploitation des sables bitumineux et alerter le public sur la vétusté des installations.

Aujourd’hui, plusieurs militant·e·s écologistes prennent le chemin de la désobéissance civile. Leurs actions sont variées : occuper des espaces naturels voués à être détruits, bloquer des ponts, dégonfler des pneus de VUS, asperger des oeuvres d’art avec de la soupe.

La désobéissance civile, c’est s’opposer aux décisions du gouvernement ou de compagnies par des actions illégales, mais non violentes, pour attirer l’attention du public. Cela comporte des risques. On peut recevoir une amende ou même aller en prison. L’arrestation et le procès peuvent alors devenir de nouvelles tribunes médiatiques.

Deux militantes qui ont aspergé de soupe une toile de Van Gogh dans un musée
En Europe, des jeunes militant·e·s s’infiltrent dans les musées et aspergent des oeuvres d’art de soupe avant de coller leur main au cadre ou au mur. Les toiles sont protégées par une vitre, mais la stratégie fonctionne : elle attire l’attention sur le message. Photo : Just Stop Oil

Les scientifiques se rebellent

L’urgence climatique justifie la désobéissance civile, croient 40 % des scientifiques contribuant aux rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Bon nombre rejoignent même les rangs de la désobéissance.

En octobre, la chercheuse en économie écologique Julia Steinberger est arrêtée par la police suisse alors qu’elle bloque une autoroute de Berne. Elle est membre du collectif Scientist Rebellion, qui réunit plus de 2 000 scientifiques activistes dans le monde. Leur signature ? Coller des articles scientifiques sur les lieux de leurs délits.

La désobéissance civile est-elle efficace ? Pour le savoir, les chercheuses américaines Erica Chenoweth et Maria J. Stephan ont analysé les grandes révolutions sociales et politiques de 1900 à 2006. Leur conclusion ? Les mouvements de résistance non violente atteignent leurs objectifs plus vite et plus efficacement que les révolutions armées.

Militantisme à haut risque

Dans certains pays, le militantisme comporte de sérieux risques. Des activistes perdent leur emploi. D’autres subissent des menaces, du harcèlement ou des violences physiques. Plus de 1 700 écologistes ont été assassiné·e·s depuis 2012 dans le monde. La plupart de ces meurtres ont eu lieu en Amérique latine. Les victimes combattaient la déforestation, des projets miniers, pétroliers, forestiers ou agro-industriels. Les communautés autochtones sont particulièrement ciblées par ces attaques.

Envie de vous impliquer ? Voici nos conseils :

À chacun·e son engagement
Pas besoin d’escalader une raffinerie : il existe une grande diversité d’actions.

Papillonnez sans gêne
Informez-vous sur différents groupes avant de vous engager. Vous pourrez ainsi choisir un milieu dans lequel vous êtes à l’aise.

Mentorat inspirant
Les militants et les militantes d’expérience aident les jeunes à réaliser que les changements sont là, même s’ils sont parfois difficiles à voir.

Place à l’indulgence
Personne n’est parfait, pas même les activistes. Ne vous sentez pas mal si vous achetez à l’occasion une boisson dans un gobelet en carton.

Ouverture d’esprit
S’engager, c’est aussi tisser des liens avec des personnes de tous âges et de tous horizons.

Bienvenue aux critiques
Multiplier les perspectives, ça nous aide à comprendre… et à convaincre ! Le silence est confortable, mais il ne fait pas avancer.

Le temps d’une pause
La cause ne repose pas uniquement sur vos épaules. Le militantisme, c’est un don de soi, pas un sacrifice.

Lueur d’espoir
Le découragement est normal, de temps en temps. Mais il y a toujours des points positifs.

Amusez-vous !
Le militantisme est plus attrayant quand on en retire du plaisir.

Avec la collaboration d’Anne-Sophie Gousse-Lessard, professeure associée à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, et d’Isabelle Béliveau, directrice d’Éco-motion.

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