Affaire non classée : L’énigme Kaspar Hauser

16 janvier 2023 - Laurence Lambert-Chan

Fable ou histoire vraie ? Martyr ou mythomane ? Une énigme, assurément. Près de deux siècles plus tard, l’histoire du tristement célèbre Kaspar Hauser fascine toujours autant.

Illustration : Wikipedia Commons

Allemagne, 1828

À Nuremberg, par un doux lundi de mai, deux hommes voient venir vers eux un adolescent âgé de 16 ans, tout au plus. Il est drôlement vêtu. Il titube. Il gesticule. Il grogne. Il cligne des yeux sans arrêt, comme ébloui par la lumière du soleil. Il parvient à articuler quelques mots : « Cavalier veut comme père était » et « Je ne sais pas ».

L’étrange vagabond tient à la main deux lettres. La première, qui serait écrite par sa mère, révèle sa date de naissance : le 30 avril 1812. La seconde, apparemment signée du tuteur du garçon, est adressée au commandant en chef d’un régiment. On lui demande d’envoyer l’adolescent à la cavalerie.

Fait bizarre : les deux lettres semblent avoir été écrites avec la même encre, sur le même papier et par la même main. Qui en est l’auteur ? D’où sort ce jeune homme ? Et surtout… Qui est-il ? Il griffonne quelques lettres : Kaspar Hauser.

D’enfant sauvage à célébrité

Son comportement étonne : il peine à marcher et à parler. Il dédaigne la viande et les légumes, auxquels il préfère le pain et l’eau. Son examen médical montre qu’il n’est ni « fou » ni « idiot », selon les termes de l’époque. Toutefois, il n’est pas éduqué et semble avoir été privé de contact humain. Il n’a aucune notion du temps et ne comprend ni les distances ni les perspectives. Serait-il un enfant sauvage ?

Un précepteur le prend en charge. À la surprise générale, Kaspar apprend à parler, à écrire et à lire. Il montre même un certain talent pour jouer de la musique et dessiner. Un an seulement après son apparition, il publie son autobiographie. Il y révèle qu’il aurait grandi enfermé dans une cave sombre, nourri par une main invisible et dormant sur de la paille.

Il n’en faut pas plus pour enflammer l’Europe ! Les spéculations vont bon train et les rumeurs fusent. Serait-il un jeune prince enlevé à la naissance, ou le résultat d’une cruelle expérience soi-disant scientifique ?

L’énigme s’épaissit davantage lorsque Kaspar affirme avoir été victime de deux tentatives de meurtre par « un homme en noir ». Qui pourrait bien lui en vouloir à ce point ? Une troisième attaque lui sera malheureusement fatale : cinq ans après son arrivée dans les rues de Nuremberg, il est poignardé et meurt de ses blessures trois jours plus tard, en décembre 1833. Ce meurtre est toujours un impénétrable mystère.

Vrai ou faux ?

L’histoire de Kaspar Hauser est truffée de contradictions et d’incohérences. Les documents de l’époque suggèrent que le jeune homme aurait eu une forte tendance à l’exagération… et aimait peut-être un peu trop sa soudaine célébrité.

Sa soif d’attention pourrait même l’avoir poussé à orchestrer lui-même les attaques. En effet, plusieurs historien·ne·s insinuent que Kaspar aurait mis en scène ces supposés crimes. Et sa mort ? Impossible de trancher avec certitude quelle en est la cause exacte. Homicide ou bête accident auto-infligé ? On ne le saura jamais.

Sur sa pierre tombale se trouve d’ailleurs cette épitaphe fort évocatrice.

Les enfants sauvages

Le mythe de l’enfant sauvage a toujours captivé l’imaginaire collectif, de Rémus et Romulus, fondateurs de Rome selon la légende, à Mowgli et Tarzan. Toutefois, une seule histoire d’enfant sauvage est considérée comme authentique : celle de Marie-Angélique Le Blanc.

Née en 1712, elle aurait passé dix ans en forêt. Elle savait chasser, pêcher et nager. La nourriture cuite la rendait malade, la jeune fille étant habituée à mordre à pleines dents dans ses proies. Capturée en 1731, elle est rééduquée et devient religieuse. Elle meurt à Paris en 1775.

Une muse involontaire

L’histoire de Kaspar Hauser a été racontée plus de 1 000 fois : articles, livres, poèmes, chansons, pièces de théâtre, films, sculptures, tableaux, etc. Dans L’énigme de Kaspar Hauser du cinéaste Werner Herzog, l’acteur principal, Bruno Schleinstein, souffrait lui aussi de nanisme psychosocial. Au Québec, la réalisatrice québécoise Diane Obomsawin s’est inspirée de cette histoire pour son court métrage intitulé Kaspar.

Les affaires non-classées, ça vous intéresse ? Ça tombe bien, on a une autre histoire à vous partager. Cette fois-ci, on est en 1926, la célèbre écrivaine Agatha Christie disparaît mystérieusement pendant onze jours. 

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