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Dopage cognitif : La pilule du A+

22 avril 2024 - Marie-Hélène Croisetière

Quand la pression devient trop forte, certains jeunes se tournent vers les psychostimulants. Mais à quel prix? Dans l’ombre du dopage sportif, le dopage cognitif fait son chemin dans les écoles.

En 3e secondaire, Rose et Élodie (noms fictifs) n’avaient qu’une idée en tête : maintenir leur moyenne au-dessus de 85 %. Chaque examen, chaque présentation, chaque travail devait être réussi à la perfection, ou presque.

En proie à l’anxiété de performance, elles se sont retrouvées dans le bureau de Caroline Langlais, alors intervenante en toxicomanie au secondaire. «Elles s’entraidaient pour obtenir du Ritalin sans prescription», poursuit la spécialiste, aujourd’hui agente de services sociaux et de liaison en santé mentale au CSSDGS¹.

C’était en 2018. Avalez la pilule venait de paraître sur Netflix. Dans ce documentaire, des étudiant·e·s et des professionnel·le·s témoignent de leur consommation de psychostimulants sans prescription, pour mieux performer. Ces révélations ont créé une onde de choc jusque dans les écoles.

Dreamstime

Concerta en ritalin mineur

Les psychostimulants comme le Concerta, le Ritalin, le Biphentin ou l’Adderall peuvent améliorer la cognition, la mémoire et la vigilance. «C’est une médication très importante pour plusieurs personnes qui ont un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), précise Caroline Langlais. Mais si on en prend sans avoir ce trouble, c’est une autre histoire.»

Ces médicaments entraînent des effets secondaires à court terme : difficulté à dormir, diminution de l’appétit, rythme cardiaque élevé… «Des effets qui peuvent aussi s’installer sur le long terme, poursuit Jean-Sébastien Fallu, spécialiste en prévention de la toxicomanie à l’Université de Montréal. On peut même sentir de l’épuisement dès qu’on ne prend plus la substance.»

Et comme avec toute drogue et tout médicament, les risques sont plus grands pour les cerveaux adolescents en plein chantier.

Une béquille au stress

Consommer une fois un psychostimulant, ce n’est pas nécessairement grave. À moins d’avoir une prédisposition comme un problème cardiaque. Le hic, c’est qu’on peut vite y prendre goût.

«Plusieurs jeunes m’assurent que c’est temporaire, que tout se terminera une fois sur le marché du travail, poursuit Jean-Sébastien Fallu. Mais travailler, c’est stressant aussi! Alors, la consommation se poursuit.»

 

En utilisant ces substances comme béquille, on ne se donne pas l’occasion d’apprendre à faire face au stress autrement. Ça devient notre solution par défaut.

Fréquent ou pas?

Le dopage cognitif est un phénomène difficile à quantifier, et probablement sous-évalué. Selon les études, la proportion d’étudiant·e·s postsecondaires ayant consommé au moins une fois une drogue de performance varie de 5 %… à 35 %! Cette pratique serait plus fréquente dans les domaines d’étude très exigeants, comme la médecine, le droit ou la finance. En musique classique, des instrumentistes se tournent vers les bêtabloquants afin de réduire les  effets du stress (adieu, les mains tremblantes pendant le solo).

Cerveau dans l’engrenage

Le dopage cognitif entraîne souvent la consommation d’autres substances.

«L’effet du stimulant peut perdurer bien après l’examen, surtout quand on n’a pas le bon dosage, explique Caroline Langlais. Trop high pour dormir, plusieurs finissent par se tourner vers d’autres substances pour se calmer, comme l’alcool ou le cannabis.»

 

Un engrenage dangereux!

De l’aide à l’école

Heureusement, les ressources d’aide existent, même à l’école. Le but n’est pas de proscrire ou de faire la morale, mais plutôt de comprendre et d’accompagner :

«On réfléchit ensemble, sans jugement, explique Caroline Langlais. On identifie quelles sont les conséquences de cette consommation.»

 

Pour le Ritalin par exemple, ce pourrait être l’insomnie ou la perte d’appétit. L’intervention vise surtout à évaluer les motivations à consommer : par curiosité, pour imiter un proche, par crainte d’échouer, pour atténuer un mal-être. «On travaille sur les causes, qui sont propres à chaque personne», dit l’intervenante.

L’équipe fait la force

Veut-on performer pour soi-même ou pour les autres? Faudrait-il envisager des allégements à l’école, à la maison?

C’est cette dernière solution qui a été envisagée pour Rose et Élodie : «Leurs parents avaient fixé une règle très rigide : si leur moyenne descendait sous 85 %, elles étaient privées de téléphone, dit Caroline Langlais. Elles préféraient consommer des psychostimulants plutôt que de risquer de subir cette conséquence.»

Avec l’aide de l’intervenante, elles ont finalement discuté avec leurs parents respectifs et les règles ont été assouplies. La situation s’est réglée. Mieux encore, leurs notes se sont améliorées. Tout naturellement, sans substances dopantes. La pression serait-elle une entrave à la performance?

 

HONTE COMPRIMÉE

L’usage des psychostimulants est à la fois banal et tabou, dit Johanne Collin, sociologue de la santé et du médicament. Plusieurs ne les considèrent pas comme des drogues. Après tout, ces produits peuvent être achetés légalement avec une prescription, ils viennent de compagnies pharmaceutiques reconnues (#banal). Mais leur utilisation est aussi vue comme une forme de tricherie (#tabou). À quand un test de dépistage avant l’examen?

DRAPEAUX ROUGES

Vous croyez avoir besoin d’un médicament pour faire vos devoirs, communiquer avec les autres ou avoir une relation amoureuse? Le mot d’ordre, c’est d’en parler. «Il y a généralement des ressources dans l’école, dit Caroline Langlais. Sinon, Tel-jeunes est un bon point de départ et peut diriger vers des organismes d’aide dans toutes les régions du Québec.»

teljeunes.com

Texto : 8 h à 22 h 30
au 514 600-1002

Appel : 6 h à 2 h
au 1 800 263-2266

 

¹Centre de services scolaire des Grandes-Seigneuries

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