Efficace, ne rien faire !

30 novembre 2021 - Sophie Mangado

Sport, éducation, science, technologie… Dans tous les milieux, on remet en question le mode haute vitesse par défaut. Voici quelques mouvements qui prouvent qu’on peut penser et agir autrement.

Ne rien faire (pas si facile !)

Niksen. Ce mot néerlandais signifie « ne rien faire ». Au-delà du terme, le niksen reflète surtout une réalité culturelle. Aux Pays-Bas, se vanter de travailler beaucoup et mettre de l’avant ses succès, c’est mal vu. Ne rien faire est davantage dans la norme.

La journaliste et auteure allemande Olga Mecking a étudié cet art de ne rien faire. Elle a publié un article (viral) dans le New York Times, puis un ouvrage, en 2020, qui décrypte ce contre-courant.

Son verdict : de nos jours, on fait rarement quelque chose juste par plaisir.
« Pourquoi nos actions sont-elles presque toujours orientées vers un objectif de performance ? On étudie pour réussir un examen, on s’entraîne pour se démarquer dans une discipline artistique ou sportive, reléguant au second plan le plaisir d’apprendre ou de s’entraîner. »

Et si on carbure aux défis, c’est mal ? Pas nécessairement. « L’important, c’est de connaître nos motivations réelles, dit Olga Mecking. Bien paraître, récolter l’approbation des autres, répondre à leurs attentes ? Ou plutôt combler un besoin personnel et bénéfique, en se faisant plaisir ? »

SOLUTION ? Miser sur le processus d’apprentissage plutôt que sur le résultat. Sur les motifs intrinsèques (plaisir personnel) plutôt qu’extrinsèques (regard, attentes des autres).

Efficacité plutôt que performance

Illustration : Ana Roy

Entre efficacité et performance, la frontière semble mince. Comment les distinguer ? « La performance implique le dépassement de soi ou des autres, explique Luc Audebrand, professeur de marketing à l’Université Laval. Elle vise le « toujours plus » infini. L’efficacité, quant à elle, se résume à avoir un impact notable positif. L’idée n’est pas de chercher à être le ou la meilleur·e. »

À ne pas respecter nos limites, on épuise notre cerveau, notre corps, mais aussi les ressources naturelles : « Notre pensée est colonisée par la logique économique, poursuit Luc Audebrand. Quand un film sort, on met de l’avant sa place au box-office. Le quantitatif prime souvent sur le qualitatif. C’est plus simple, plus objectif. Imaginer le contraire est difficile. »

Problème. Comment en finir avec ce culte de la performance, si on ne peut envisager des solutions de rechange ? Le professeur propose la bienveillance en guise de remède. On redéfinit ce qui est important pour nous : « Atteindre un sentiment d’efficacité personnelle nécessite de donner une juste place aux valeurs qui guident nos actions. C’est un moyen de ne pas dépasser les limites. Sans ces repères, l’épuisement et la démotivation nous guettent. »

D’accord, mais comment éviter que l’efficacité ne devienne pas juste un outil pour être plus performant·e ? « Cherchez à faire mieux d’un point de vue qualitatif, répond le professeur. Faire les choses par passion. Choisir ce qui nous appelle et nous correspond, plutôt qu’agir selon une obligation de performance. Ce n’est pas un antidote miraculeux, plutôt un chemin. »

Les mouvements slow

SCIENCE Le mouvement naît en Europe, vers 2010. Des équipes de recherche universitaires, toutes disciplines confondues, dénoncent la course à la publication. Pour elles, baser la qualité de la recherche selon le nombre de publications dénature une de ses caractéristiques essentielles, à savoir le besoin de prendre son temps. Prendre le temps de réfléchir, de débattre, de douter, plutôt que de simplifier à outrance des découvertes pour les diffuser massivement et rapidement. Les adeptes de la slow science estiment qu’on ne devrait pas privilégier des projets simples visant à produire des articles plus facilement. En rappel : Charles Goodyear a consacré 10 ans d’essais et erreurs à développer le caoutchouc de nos pneus !

TECHNOLOGIE Utile, durable et accessible au plus grand nombre. Voilà les trois grands principes de la low-tech, un mouvement qui veut contrer l’obsolescence programmée non seulement par des objets mieux pensés, mais aussi par des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie et même des courants de pensée. Le mouvement zéro déchet ? Low-tech. Les cafés de réparation, où on donne un deuxième souffle aux objets brisés au lieu de les jeter ? Low-tech aussi.

SPORT Rien ne sert de courir, il faut partir à point ! L’entraînement à basse vitesse produirait de meilleurs résultats. Une équipe de recherche de l’Université de Birmingham a découvert que c’est entre 70 et 75 % de la fréquence cardiaque maximale que les résultats pour la santé sont optimaux.

Au-delà de ce seuil, le corps puise dans ses réserves de sucre et l’effort peut devenir contre-productif. Les athlètes soumis à une pression démesurée ne finissent pas toujours sur le podium. En déclarant forfait avant la grande finale olympique de Tokyo, la gymnaste américaine Simone Biles, la plus médaillée de l’histoire de son sport, a ouvert la discussion sur les limites des athlètes. Elle a choisi de préserver sa santé mentale, geste courageux souligné par le monde du sport où la performance est culturellement hyper valorisée.

ÉDUCATION La population finlandaise excelle dans les épreuves scolaires internationales. Pourtant, l’entrée à l’école se fait à 7 ans et les apprentissages ne sont pas notés avant l’âge de13 ans. Aucun examen, aucun bulletin. L’enseignement favorise le jeu, le plaisir de la découverte et l’autoévaluation. Les journées de classe sont courtes, et les vacances, nombreuses ! En clair, le bien-être est davantage valorisé que la performance et la compétition. Et devinez quoi ? Ça marche ! 93 % des élèves réussissent leurs études secondaires avec brio.

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