Jusqu’où ira ChatGPT?

21 août 2023 - Maxime Johnson

Le robot conversationnel est loin de l’intelligence humaine. Mais pour combien de temps encore?

Le test de Turing a longtemps été considéré comme la référence pour mesurer l’intelligence artificielle (IA). Pour réussir ce test, proposé par le mathématicien Alan Turing en 1950, une IA devait être capable de se faire passer pour un humain lors d’une discussion.

Allô, je suis un robot!

ChatGPT réussit-il le test de Turing? Pas vraiment, mais c’est notamment parce qu’il n’est pas conçu pour ça. Demandez-lui s’il est un robot conversationnel… il vous répondra oui!

«Il serait toutefois facile de le programmer pour qu’il puisse se faire passer pour un humain», avançait le chercheur montréalais en intelligence artificielle Yoshua Bengio lors d’une présentation au printemps dernier. Oui, ChatGPT dit parfois des faussetés, mais les humains le font aussi. Derrière un écran d’ordinateur, il serait facile de se méprendre.

Une machine à intuition

Même si une IA est capable de se faire passer pour humaine, elle ne possède pas pour autant son intelligence. Quand les robots conversationnels répondent à une question, ils le font par un genre d’intuition. «C’est ce que les psychologues appellent le système 1», explique Yoshua Bengio. Chez l’humain, le système 1 représente la pensée automatique. Ce sont nos doigts qui bouclent nos lacets sans qu’on y réfléchisse, ou le «Bien, et toi ?» qu’on répond instinctivement à la question «Comment vas-tu ?».

Le système 2, lui, nécessite une réflexion. Répondre à une question d’examen par exemple, ou tenter de réparer un objet brisé. Les robots conversationnels ne sont pas capables de cette réflexion plus poussée. «Ce sont des machines à intuition», résume Yoshua Bengio.

Prochaine étape : la réflexion

L’acquisition du système 2 par les robots conversationnels n’est pas impossible : «Le cerveau est une machine biologique, et il est possible de s’en inspirer», explique le chercheur.

L’humain dispose par exemple d’une «mémoire de travail». C’est ce fil de pensées dans notre tête lorsqu’on réfléchit à un problème. «Présentement, il n’y a pas d’équivalent dans les systèmes d’intelligence artificielle. Mais je pense qu’une mémoire de travail pourrait être intégrée aux systèmes d’intelligence artificielle dans les deux prochaines années, et ça me fait peur», admet Yoshua Bengio.

Dépassera-t-elle l’humain?

L’intelligence artificielle ne sera jamais comme la nôtre, mais ces IA améliorées pourraient tout de même la dépasser sur certains aspects et dans certaines tâches. Après tout, les ordinateurs sont capables de traiter beaucoup plus d’informations que nous.

Une IA plus intelligente que nous traiterait-elle les humains comme nous traitons les espèces que nous considérons comme moins intelligentes? Espérons que non!

Cette crainte technologique n’est évidemment pas nouvelle dans l’histoire. «Mais jusqu’ici, l’humain contrôlait les outils de son invention», disait l’historien israélien Yuval Noah Harari, lors d’une présentation à Montréal au printemps dernier. «Pour la première fois, un outil prendra des décisions par lui-même.»

Dans l’incertitude, plusieurs expertes et chercheurs, comme Yoshua Bengio et Yuval Noah Harari, ont signé une lettre demandant une pause dans le développement des systèmes d’IA plus complexes que les systèmes actuels. «Les sociétés humaines sont extrêmement bonnes pour s’adapter. Mais elles ont besoin de temps», plaide Yuval Noah Harari.

Comment ça marche?

Les robots conversationnels sont basés sur des «grands modèles langagiers». Ces modèles d’intelligence artificielle ont été entraînés à partir de millions de textes. Quand ChatGPT écrit «patates», le modèle sait que statistiquement, le mot suivant a de bonnes chances d’être «pilées» ou «frites». Et si la phrase précédente mentionnait une poutine, probablement qu’on parle de frites.