Histoire d’ados : je suis anorexique.
Hé non ! Être anorexique, ce n’est pas juste suivre un régime. C’est une maladie mentale sévère et dangereuse qui peut même conduire à la mort.
Contrairement à la croyance populaire, le trouble alimentaire n’affecte pas seulement l’apparence. Du moment que l’on compte les calories ingérées et dépensées et que le poids sur la balance a de l’emprise sur tes décisions, le trouble alimentaire est en jeu.
C’est à l’âge de 13 ans que j’ai commencé à éviter la nourriture et à faire des exercices
compensatoires.
Comment je faisais ? Je ne manquais pas d’imagination, mais souvent je jetais mes lunchs aux toilettes, je cachais de la nourriture dans mes vêtements pour faire semblant d’avoir mangé. Je m’interdisais aussi certains aliments, comme le fromage. Pour dépenser mes calories, je pouvais faire d’interminables séries d’abdominaux, de la course ou encore des marches de plus de quatre heures ! Sournoisement, la maladie est venue affecter tous les aspects de ma vie et me handicaper profondément.
Amitiés déchirées. Relations amoureuses malmenées et, souvent, vouées à l’échec. Je n’étais plus que l’ombre de moi-même, errant entre les couloirs de l’école et ceux de l’hôpital. Une seule chose occupait mon esprit : la nourriture. Combien de calories ingérées et dépensées, quel allait être mon prochain mensonge, en quoi constituerait le prochain repas… Quand j’entends les adultes nous dire que les jeunes ont toute la vie devant eux… Euh… Ben… Non. Pas si nous continuons d’agir comme nous le faisons !
Malgré tout, l’anorexie est beaucoup plus complexe qu’une simple horreur de la nourriture. Ce problème cache un profond mal-être, marqué par un désir de contrôle et de perfection, une phobie de l’erreur et des responsabilités de la vie adulte, un besoin criant d’attention, et bien d’autres souffrances.
Il est excessivement difficile de s’extirper de cette prison, car on nie la maladie et on préfère la considérer comme une bénédiction. L’aide extérieure est alors perçue comme une nuisance à l’empire maladif qui nous contrôle. Mensonges et manipulations sont banalisés et il m’a fallu frôler la mort à plusieurs reprises avant de désirer réellement la guérison. Ce sera un chemin parsemé d’embûches, je sais que certains aspects de la maladie feront toujours partie de moi. Mais j’ai espoir de m’en sortir, pas à pas.
Après avoir lu le témoignage de Gaëlle, la Dre Sophie Leroux, psychologue, propose cette réflexion :
Les enjeux alimentaires sont fréquents à l’adolescence, notamment en raison de l’importance que vous accordez à l’apparence et à votre besoin d’appartenance à un groupe. Dans la majorité des cas, vos épisodes de régimes ou d’exercices pour perdre du poids sont sans impact majeur. Toutefois, pour certains jeunes (entre 0,5 et 5 %), les enjeux alimentaires sont l’expression d’une maladie mentale grave : l’anorexie. Comme le rapporte Rachel, cette maladie peut mener à la mort. Cette condition est difficile à traiter, car la personne anorexique n’interprète pas bien les faits. Rachel en fait d’ailleurs un très bon témoignage.
La recherche a mis en évidence une plus grande prévalence chez les filles. Les causes de cet état de fait sont multiples et complexes. On pointe de plus en plus vers une prédisposition génétique, des éléments dépressifs et de l’anxiété. D’ailleurs, le contexte de pandémie a généré une augmentation des consultations pour des enjeux alimentaires de toutes sortes, dont l’anorexie. Le sentiment de perte de contrôle, le manque de routine, l’ennui et l’influence des réseaux sociaux y ont contribué.
Les réactions sont toutefois très différentes d’une personne à l’autre, en raison de plusieurs facteurs. Certaines ne croient pas à l’existence de l’ours. D’autres le voient, mais figent ou ferment les yeux. Et enfin, plusieurs sont déjà bien occupées par d’autres ours dans leur vie personnelle ou scolaire.
Si vous avez des préoccupations pour vous ou un·e proche, vous pouvez consulter le site Anorexie et boulimie Québec (anebquebec.com), qui offre plusieurs outils. On y retrouve notamment un questionnaire pour évaluer si vous êtes à risque, ainsi qu’une ligne d’écoute/textos/ clavardage. C’est un trouble à prendre au sérieux. Merci Rachel de nous y sensibiliser.
Sophie Leroux, psychologue
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