Gare aux idées zombies !
Certaines idées circulent même après avoir été scientifiquement réfutées. Comme des zombies, elles vivent au-delà de leur mort, bien ancrées dans nos têtes. Comment les exterminer?
La naissance d’un zombie
L’origine d’une idée zombie n’est pas toujours facile à retracer. Certaines résultent d’études scientifiques erronées qui trouvent écho dans la population malgré les démentis. Un exemple éloquent? L’idée que la vaccination risque de causer l’autisme. Elle vient d’une étude frauduleuse régulièrement invoquée par des personnes convaincues que la vaccination est plus néfaste que bénéfique.
D’autres fausses idées proviennent de mythes très anciens enracinés dans la culture populaire à force d’être perpétués dans le temps.
Portrait type d’une idée zombie
Si les données manquent pour reconstituer la genèse de certaines idées erronées, on sait toutefois pourquoi elles survivent aux démentis.
1 – Elles sont nourries socialement et individuellement
«Lorsqu’une idée nous semble plausible, on l’adopte facilement», explique Patrice Potvin, professeur au Département de didactique des sciences et de la technologie de l’Université du Québec à Montréal. Voilà pour l’apport individuel qui alimente une fausse idée. L’apport collectif en rajoute une couche. Une personne de votre entourage partage la même idée, et vous voilà toutes deux renforcées dans votre conviction.
2 – Elles sont plus intuitives
Pensons au cas des nuages. On a l’impression qu’ils «flottent», comme en suspension dans l’air. L’eau liquide, ça coule. Intuitivement, on tend à penser que les nuages sont donc composés de vapeur plutôt que d’eau liquide.
3 – Elles nous rendent service
«L’humain n’est pas une bibitte logique, mais une bibitte émotive, dit Patrice Potvin. Ainsi, le cerveau ne carbure pas au vrai, il carbure à l’utile.» En nous offrant facilement des explications satisfaisantes, les idées zombies nous permettent de nous affirmer, de nous donner de l’importance, d’appartenir à un groupe et d’y renforcer notre place.
4 -Elles sont immortelles
«Le cerveau n’efface pas les fausses idées. On ne peut pas les détruire ou les rejeter.» Les scientifiques qui s’intéressent aux changements conceptuels, comme Patrice Potvin, observent que les idées erronées persistent chez les enfants du primaire autant que chez les titulaires d’un doctorat. Nos conceptions initiales demeurent, comme inévitablement stockées par notre cerveau.
L’effet Mandela
• Dans Blanche-Neige, la reine prononce «Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle?».
• La muraille de Chine est la seule construction humaine visible depuis l’espace.
• Monsieur Monopoly porte un monocle.
• Les souris adorent le fromage.
• Einstein était un mauvais élève.
Voilà une belle horde de zombies! Ces convictions erronées peuvent être attribuées à l’effet Mandela, soit la persistance d’un faux souvenir collectif, devenu une croyance au fil du temps. On doit son nom au fait que dans les années 2000, l’idée que Nelson Mandela était mort en prison a largement circulé.
Plan de défense antizombies
«Tout ce que l’on peut faire, c’est ajouter de nouvelles idées pour ensuite discriminer ou inhiber les fausses idées, explique Patrice Potvin. Apprendre, c’est comme une course entre des idées qu’on ne peut pas faire disparaître du cerveau. Le plus efficace est de faire entrer des bonnes idées dans la course afin qu’elles prennent le dessus.»
Démontrer par A + B à quelqu’un qui entretient une fausse idée s’avère généralement vain. Cela peut même renforcer sa croyance erronée. Il est préférable de susciter chez cette personne l’envie de la rectifier. On peut faire ça en instillant un doute dans son esprit.
C’est justement le cœur de la démarche scientifique, souligne le chercheur. «Un scientifique, au lieu d’apporter du carburant à une idée, tentera de la mettre à l’épreuve, et de confronter ses hypothèses à des idées opposées. On travaille dans une dynamique de destruction des idées, et à la fin c’est la moins fausse qui l’emporte.»
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