Comédies romantiques, engrais toxiques
Ils sont faits l’un pour l’autre, ça saute aux yeux… malgré les comportements non respectueux. Oh, vous n’aviez pas remarqué ce détail ? Normal. Netflix annonçait récemment avoir gagné sept millions d’abonné·e·s grâce à ses comédies romantiques.
La popularité des comédies romantiques n’est plus à démontrer. Selon plusieurs études, ces histoires influenceraient nos propres comportements amoureux. Bon nombre de films et de séries romantiques présenteraient des modèles qui nuisent à la communication, en plus de contribuer à banaliser les comportements toxiques. Si d’autres facteurs entrent aussi en ligne de compte, il y a tout de même matière à réflexion.
« C’est évident que ces films nous influencent, confirme Joane Turgeon, psychologue, professeure à l’Université de Montréal et chercheuse spécialisée dans les problématiques de violence. La comédie romantique nous permet d’être le témoin privilégié de quelque chose qu’on ne voit jamais : l’intimité de deux amoureux. Ça devient donc une référence. »
Le problème, c’est que la comédie romantique repose trop souvent sur une recette magique : une fille apparemment libre et woke, un personnage avec des comportements non respectueux et le happy ending entre les deux, malgré tout.
C’est l’éternelle histoire de la belle qui apprivoise la bête. « À travers toutes ces histoires, avant le baiser final, quelqu’un réussit toujours à aider le personnage
non respectueux à s’exprimer mieux, ou à aller mieux, confirme la chercheuse. La victoire, c’est cette apparente métamorphose. »
On devient débile ou quoi ?
Humiliation, contrôle ou harcèlement (ou les trois). Baiser. Fin. Comment devenons-nous une telle guenille devant l’écran ? « On ne le voit pas dans le film, et on ne le voit pas dans la vie non plus, explique Joane Turgeon. On excuse toujours les gestes par leur contexte. Si je demande à un groupe s’il est acceptable de traiter sa blonde de « niaiseuse », la majorité me répondra non. Si je demande la même chose en disant « après qu’elle eut cassé un verre », soudainement les réponses changent. C’est pareil pour la gifle. Gifler quelqu’un ? Inacceptable. Gifler après avoir appris qu’il ou elle nous trompe ? Heu… »
Que celui ou celle qui n’a jamais dit « OUI, MAIS ILS S’AIMENT TELLEMENT » nous jette le premier popcorn extra-beurre ! Le grand amour excuse souvent le manque de jugement. Comme le résume Julia R. Lippman, chercheuse en philosophie des médias à l’Université du Michigan, aux États-Unis : « L’amour, c’est super, mais le respect de l’autre l’est tout autant. »
ROMANTIQUE, MAIS QUAND MÊME CRITIQUE
Pour décoder les comportements violents, il faut d’abord les nommer.
Décervelage (Gaslighting)
Faire douter volontairement quelqu’un de son jugement, alors qu’on sait qu’il ou elle a raison.
-Tu as mal interprété, mon chaton.
Retour négatif (Negging)
Lancer une insulte à la blague pour saper la confiance de la personne qu’on tente de séduire.
-Pas mal, ton bouton sur le menton.
Récupération (Hoovering)
Faire ou dire quelque chose de gentil à la place de s’excuser.
-Tu me manques.
Suggestions
L’auteure India Desjardins s’est intéressée aux comportements toxiques dans les comédies romantiques dans son essai Mister Big. Sa suggestion (saine) de série : Never Have I Ever.
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