Adieu, soutien-gorge ?
Depuis la pandémie, s’habiller en mou n’est plus réservé aux fins de semaine. Et qui dit mou, dit (souvent) pas de soutien-gorge ! Les seins se montrent-ils plus souvent le bout du mamelon sous les vêtements ?
Cette idée n’est pas apparue en 2020, même si les confinements ont amplifié le phénomène, selon Nancy Couture, experte en sociologie de la mode.
L’ampleur du mouvement « sans brassière » (traduction libre de no-bra movement) est difficile à quantifier. Il s’agit d’une tendance : plusieurs personnes ont délaissé le soutien-gorge au fil des décennies.
Hors la norme
Le port d’un soutien-gorge est une norme sociale, c’est-à-dire un comportement partagé par un groupe de personnes et favorisé par la société. Ainsi, beaucoup de femmes pensent qu’elles devraient en porter un pour répondre aux attentes.
« Cette norme est toutefois en train de changer, dit Nancy Couture. Le soutien-gorge est remis en question. »
Miroir, miroir…
Aller à contre-courant d’une norme sociale, ce n’est pas facile. Même si vous souhaitez bannir le soutien-gorge, vous aurez peut-être du mal à assumer ce choix en société, nuance Nancy Couture. Surtout si vous analysez votre reflet à la lumière du jugement des autres, une habitude passablement répandue.
Célestine Uhde, étudiante à l’Université Laval, ne porte plus de soutien-gorge depuis ses 15 ans. La militante féministe se souvient de ses premières hésitations : « C’est sûr qu’on n’a pas envie de subir les regards et les commentaires qui nous font sentir différente. À cet âge-là, c’est lourd à porter. »
Son bien-être a finalement supplanté ses craintes. En tant que personne autiste, Célestine est très sensible à l’inconfort sensoriel : elle étouffait dans son soutien-gorge. Depuis, elle n’a pas remis son choix en question et elle se sent à l’aise de le défendre.
Des seins tabous
Les seins sont encore, malgré tout, associés à la pornographie, affirme Nancy Couture. En effet, le phénomène de l’hypersexualisation attribue un caractère sexuel au corps des femmes, alors qu’il n’est pas sexuel par essence. Ce message est véhiculé par la culture populaire, les médias, la mode, les réseaux sociaux, etc.
Ne pas porter de soutien-gorge est donc souvent perçu comme un comportement à caractère sexuel, même si les intentions sont tout autres. « On n’a pas à couvrir des parties de notre corps que les hommes n’ont pas à couvrir, s’indigne Célestine Uhde. Notre corps n’est pas plus sexuel que celui d’un homme, il n’est pas plus indécent. »
Le paradoxe du soutien-gorge
Avez-vous déjà réfléchi au fait qu’on cache les seins tout en cherchant à les mettre en valeur ? Pensez aux brassières rembourrées.
Cette contradiction s’appelle une injonction paradoxale. Si on vous dit de ne pas penser à un zèbre, à quoi penserez-vous ? Probablement à un zèbre ! L’injonction paradoxale est une instruction rendue impossible par l’instruction elle-même.
La journaliste Lili Boisvert applique ce concept sociologique au cas des femmes. Puisque le corps des femmes est perçu comme sexuel, il faudrait à la fois le montrer – pour être désirable – et le cacher – pour demeurer respectable. Pas facile de s’y retrouver !
La brassière est morte. Vive la brassière !
Nancy Couture estime que le soutien-gorge n’est pas appelé à disparaître, mais à se transformer. Après tout, la seule constance de la mode, c’est le changement !
Un sondage peu scientifique mené dans les réseaux de Curium révèle que le confort est au top des préoccupations lorsqu’il est question du soutien-gorge. Ce critère guide autant celles qui ne le portent plus (« Plus à l’aise sans ! ») que celles qui le portent (« Plus à l’aise avec ! »).
Certaines soulignent aussi que toutes les tailles de poitrine ne sont pas égales dans le mouvement sans brassière. Les pommes y sont plus avantagées que les cantaloups, mettons !
Un choix personnel
Bien qu’il semble avoir pris de l’ampleur dans les dernières années, le mouvement sans brassière est loin d’être normalisé, estime Nancy Couture.
Certaines figures non officielles du mouvement tiennent un discours d’acceptation corporelle, comme l’actrice britannique Florence Pugh. D’autres revendiquent l’égalité entre les hommes et les femmes, comme Célestine Uhde. D’autres encore, comme l’animatrice Rosalie Bonenfant, militent simplement pour une liberté de choix.
Phénomène éphémère ou tendance durable ? Le temps le dira.
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