Toujours fâché mais mieux
Par l’électron libre Mathieu Charlebois, blogueur et auteur d’humour
Comme ça arrive trop souvent ces jours-ci (ces mois-ci ? ces années-ci ?), j’ai récemment croisé une nouvelle complètement révoltante.
J’étais en COLÈRE !
Fort de cette colère, je suis allé sur les médias sociaux pour y écrire un texte cinglant, où je n’y allais ni de main morte ni avec le dos du clavier. Le texte a été abondamment commenté et partagé.
Avec mes amis comme avec les inconnus de l’Internet, le consensus était clair : nous étions fâchés. FÂCHÉS !
On dit souvent que la colère est un bon motivateur. On voit une injustice, elle nous fâche, et la colère nous donne envie d’agir. C’est l’ordre normal des choses, paraît-il.
Mais plus j’y pense, plus j’ai l’impression que c’est comme dire « Je suis fâché que ma maison brûle, alors je vais éteindre le feu. »
Ben voyons ! Que la maison brûle devrait suffire comme raison d’appeler les pompiers ! Même chose pour les situations injustes : on devrait vouloir les changer… parce qu’elles sont injustes. Pas parce qu’on est en colère. Non ?
La colère ne fait pas que nous motiver. Elle nous fait dépenser de l’énergie futilement à gesticuler et à crier pour rien. Elle nous fait passer des moments désagréables. Elle ne fait pas sortir le meilleur de nous-même : mon texte cinglant contenait quelques insultes choisies envers des gens qui semblaient le mériter à ce moment-là. Pas idéal.
Qu’ai-je accompli avec ce texte propulsé par la colère ? Avec le recul, j’ai l’impression d’avoir seulement pris le sentiment désagréable que j’éprouvais et de l’avoir exporté chez d’autres. « Je ne me sens pas bien et je veux que tout le monde se sente comme moi ! »
Utile ? Présenté comme ça, j’en doute un peu.
La colère motive, oui, mais elle ne nous fait pas pour autant prendre les meilleures décisions. Le gars fâché que sa maison brûle ne pensera pas à sortir un seau d’eau s’il est occupé à engueuler les flammes. Et moi, j’aurais sans doute pu écrire un meilleur texte, avec des arguments et des pistes de solution, si j’avais d’abord pris une grande respiration pour tasser la colère du chemin.
J’ai envie de continuer à me fâcher, parce que c’est un bon indicateur que quelque chose ne tourne pas rond. Mais je veux me fâcher mieux. Je veux que ce soit moi qui décide, pas ma colère. Je ne sais pas encore exactement comment faire, mais j’ai le sentiment que, dans nos vies personnelles comme dans notre vie en société, on gagnerait à faire les choses pour les bonnes raisons. Et la colère ?
Ce n’est plus ma raison préférée.
Super billet très pertinent! Merci Mathieu. Est-ce que ce billet est inclus dans un des récents numéros de Curium? Si oui lequel SVP
Oui, il a été publié dans le numéro de mai! (le #62) 🙂