Communauté de geeks
Petite intrusion dans le monde du logiciel libre. Pour y entrer, suffit de connaître le code…
Derrière vos apps préférées ? Du code. Le métro bloqué ? Du code. Vos achats débit ? Encore du code. Il est partout, ou presque. Tous les jours, vous utilisez divers logiciels. Plusieurs sont créés dans le secret : impossible d’avoir accès aux codes. D’autres, en revanche, sont complètement libres d’accès. On parle alors d’open source ou de logiciel libre. Tout le monde peut y travailler. L’utiliser, le copier et le modifier à condition de respecter les droits d’auteur. Ces logiciels libres, ce sont Firefox, VLC, BitTorrent et bien d’autres…
Plusieurs têtes valent mieux qu’une
Supposons qu’un développeur investit des heures dans un programme (disons un million de lignes de codes originales) et que le code est gardé confidentiel. Un autre geek qui voudrait améliorer ce programme devra d’abord réécrire une myriade de codes pour ensuite y ajouter les quelque 200 000 lignes manquantes. C’est ce qui se passe avec ce qu’on appelle le logiciel propriétaire.
Le développeur repart à zéro. Et c’est ce que déplorent les tenants du logiciel libre comme Cyrille Béraud, président de Savoir-faire Linux. « En logiciel libre, toutes les briques de codes sont disponibles sur Internet. C’est comme en recherche, on partage la connaissance (le code). On peut s’appuyer sur les travaux des autres pour construire et faire progresser cette connaissance. »
Aussi, quand un logiciel plante, c’est toute une communauté qui se mobilise. « Un développeur brillant va résoudre le problème au bout de trois ou quatre semaines, souligne-t-il. Mais s’il se tourne vers la communauté, c’est réglé en trois heures. » Cette façon de faire, les génies de l’informatique sont de plus en plus nombreux à l’appliquer et à la défendre. Certains en parlent même comme d’une révolution. Parce qu’aujourd’hui, le code est partout, dans tous les domaines. Même les sciences sociales utilisent le big data (mégadonnées) pour réaliser des études sur d’immenses bassins de population.
De l’or… gratuit ?
La question se pose alors : comment une entreprise peut-elle faire des sous avec des logiciels auxquels tout le monde a accès gratuitement ?
Les entreprises qui travaillent sur des logiciels libres doivent être inventives. Toutes ne rentabilisent pas leurs activités de la même façon. Savoir-faire Linux, par exemple, utilise les codes ouverts (auxquels elle contribue, bien entendu) pour innover et offrir à ses clients (entreprises, municipalités, organisations, etc.) des logiciels payants « sur-mesure » et un service de soutien technique après-vente.
Ouvert ou fermé ?
Dans les années 50, le MIT (Institut de technologie du Massachusetts) fait l’acquisition de ses premiers ordinateurs. De brillants étudiants se découvrent alors un nouveau dada : l’informatique. Ils passent des nuits blanches à écrire des programmes, à partager des codes et à bidouiller. On les appelle les hackers. Rien à voir avec les hackers d’aujourd’hui, ce sont plutôt les geeks de 2016 : des programmeurs mordus et surdoués. Ils défendent la gratuité et le libre accès au code source.
En 1976, les membres du prestigieux club informatique Homebrew Computer Club de la Silicon Valley diffusent un programme des entrepreneurs Bill Gates et Paul Allen. Choqué, Bill Gates publie sa désormais célèbre « lettre ouverte aux amateurs » (An Open Letter to Hobbyists). Pour être convenablement payé, dit-il, le travail des développeurs doit être protégé. Il n’a pas tort… Petit à petit, l’industrie change ses façons de faire. On travaille dans le secret. Les codes deviennent confidentiels. Commence le règne du logiciel propriétaire. Restent quelques Gaulois qui, pour des raisons idéologiques ou pratiques, continuent à défendre le logiciel libre. L’avenir leur donnera raison…
Aujourd’hui, le logiciel libre revient en force. Un retour en arrière ? Au contraire, affirme le directeur de Google Montréal, Shibl Mourad. C’est le progrès qui pousse l’industrie à travailler en équipe. « La demande technologique est très, très forte et l’innovation ne peut pas se faire en milieu fermé. Il faut prendre des expertises de partout pour que ça marche.»
Texte : Noémie Larouche
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