Instagram : À 12 « like » du bonheur ?
Les réseaux sociaux rendent-ils plus heureux ? Les photos filtrées sont-elles vraiment un indicateur de bonheur ? Bienvenue de l’autre côté de l’écran.
Mauvaise nouvelle pour les fans inconditionnels : l’usage intensif des réseaux sociaux est associé à des problèmes de sommeil, d’anxiété, de dépression et d’intimidation. Alors, pourquoi on y reste ?
« C’est à cause de notre nature sociale. Dans la jungle, nos ancêtres avaient besoin des autres pour survivre », dit Lucie Mandeville, psychologue.
L’humain a une tendance naturelle à se comparer aux autres. À l’adolescence, c’est encore plus marqué. Pour découvrir notre identité et nos valeurs, on a besoin de se confronter à des gens différents de nous. Les personnes qui ont une faible estime d’elles-mêmes vont aussi chercher plus souvent l’approbation des autres pour se convaincre de leur valeur.
Ça pourrait être pire !
« Quand on va mal, voir quelqu’un de malheureux nous rassure : je ne suis pas seul, je ne serai pas rejeté par mon groupe », dit Lucie Mandeville.
Sauf que le malheur n’est pas très présent sur les réseaux sociaux… « Le fil d’actualité, c’est un endroit public où on veut bien paraître, dit Nellie Brière, conférencière et formatrice experte des médias sociaux. C’est comme dans un party : on s’habille chic et on sourit. Certaines personnes osent parfois dire qu’elles ne vont pas bien, mais en général, on y est moins naturel. Il y a d’autres endroits où on peut s’habiller en mou et se dire les vraies choses, comme la messagerie privée. » Ou encore les comptes Finstagram réservés à nos proches.
L’envers d’Instagram
Quatre influenceurs nous révèlent les coulisses de leur publication. Avertissement : La vie est parfois plus belle en photo qu’en réalité !
EMILE ROY
« Ce jour-là, on visitait l’Acropole d’Athènes avec ma famille. C’est un lieu extrêmement touristique, bondé de monde, jour après jour. En plus, il y avait des travaux sur le Parthénon, ce qui rendait le tout un peu moins #goals ! Ça a pris une bonne trentaine de photos avant d’en avoir une où il n’y avait pas
un touriste qui passait devant la caméra et où je ne faisais pas une grimace parce que j’avais le soleil dans les yeux. Solution : regarder vers l’arrière… Dans le fond, Instagram est juste une vision plus saturée et lumineuse de la réalité… »
JOEY SCARPELLINO
« C’était un vendredi soir, mon ami et moi avions décidé d’aller faire des photos pour passer le temps. On s’est retrouvés… dans un parking de Rona ! Je me suis arrangé après pour que le décor soit flou, alors ça donne un effet esthétique, avec les lumières en arrière. Mais en réalité, c’était vraiment déprimant, laid et poche. (rires) »
« Je ne joue pas le jeu de faire semblant de sourire ou d’avoir du fun si j’en ai pas. Je vais publier des photos pour rendre compte d’un beau moment, que je veux partager. Ou de quelque chose que je trouve beau. Il faut en effet que la photo soit esthétiquement belle sur Instagram, à la différence de mon Facebook personnel, par exemple.
Mais je résiste vraiment le plus possible à la fausse représentation. On se le cachera pas, Instagram aujourd’hui, c’est une forme de marketing. Les comptes sont souvent remplis de pubs. Moi je résiste à ça. Je refuse souvent de grosses opportunités financières en refusant de faire ça mais moi, être un panneau publicitaire, ça m’intéresse pas. »
NOÉMIE LACERTE
« vendre du beau » sur Instagram m’a toujours dérangée, même si parfois, je l’adopte dans mes photos. J’ai d’ailleurs commencé l’année 2017 en me lançant le défi de parler sans tabou de ce que c’était afin d’aider ma communauté a mieux se situer lorsqu’ils sont exposés à des centaines et des centaines de photos Instagram par jours. »
« Lors d’un voyage à Los Angeles, ma meilleure amie et moi avons loué une voiture de luxe pour nous rendre à Las Vegas. Nous cherchions un paysage paradisiaque pour prendre une photo devant notre belle voiture. Nous nous sommes garées pour prendre la photo ; il faisait 47 degrés Celsius ! Malgré nos sourires, c’était probablement les pires trois minutes de ma vie tellement il faisait chaud. Nous avions de la difficulté à respirer ! C’était un moment marquant, mais qui reste plus beau en photo qu’en réalité. »
« Cette photo a été prise dans un restaurant Chipotle, aux États-Unis. Elle raconte que mon amoureux et moi nous sommes levés un matin avec l’idée absolue de manger un bon gros burrito! Ma place préférée restera toujours le bon vieux classique Chipotle, une ligne de restauration que nus ne possédons pas ici, au Québec. Nous avons donc, très ambitieux, pris la voiture et conduit quelques heures pour se rendre à Plattsburgh, la ville américaine la plus proche des frontières pour aller manger notre tant attendue nourriture mexicaine. C’était plaisant de saisir le moment, improviser une activité et aller en roadtrip! Après quelques heures de route, affamés et épuisés, nous sommes finalement arrivés, heureux. Nous avons commandés et j’ai eu envie de prendre une photo juste avant ma première bouchée pour raconter cette anecdote…pour finalement réaliser que c’était beaucoup plus bon dans mes souvenirs. Et que ça ne valait peut-être pas un si grand détour. Nous avons rapidement terminé de manger, pressés de repartir à la maison. »
JAY DU TEMPLE
« J’étais en tournée aux Îles de la Madeleine et un matin, deux amis et moi, on se dit qu’on va aller plonger du haut des falaises. Mais l’eau était beaucoup trop mouvementée pour sauter, et en plus, on n’avait pas de wetsuit. Ça aurait été glacé. J’étais prêt à le faire, mais ça aurait été dangereux. Notre prix de consolation : cette magnifique photo prise à mon insu. »
« Celle-là, c’était le lendemain du show de Kendrick Lamar au Festival d’été de Québec. J’étais avec mon meilleur ami, Joey. Je l’avais invité au show et nous avais réservé une belle chambre d’hôtel dans le quartier Petit Champlain pour sa fête, et on attendait un taxi devant les marches et il m’a dit : « Place toi là, et souris, ça va faire une belle photo. » Quand il a pris cette photo, je venais tout juste de lui dire : « Arrête, je suis très gêné. » On avait l’air de vrai touristes. »
Texte : Raphaëlle Derome
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