Motto, un film interactif pour cellulaire!
J’ai eu la chance de réaliser une entrevue avec Vincent Morisset, le réalisateur du projet MOTTO, lancé par l’ONF le 28 mai dernier.
MOTTO est une plateforme interactive conçue spécialement et uniquement pour cellulaire (malheureusement, les ordinosaures qui utilisent seulement le fax et la photo argentique ne pourront pas l’essayer). On y raconte l’amitié entre Motto et Septembre, qui est un fantôme. À travers les chapitres, on découvre leur relation et on explore leur monde. On explore aussi le nôtre, puisqu’on nous demande de prendre des photos et des petits clips de deux secondes qui seront utilisés pour construire l’environnement visuel.
Q : Vincent, pourquoi avez-vous décidé de faire un film interactif … pour cellulaire?
R : La beauté du téléphone, c’est qu’on l’a toujours dans notre poche et on peut le sortir à tout moment. On voulait que la caméra devienne notre outil de chasse au trésor, de cueillette d’images. Je trouvais ça trippant d’y avoir en tout temps accès, comme un livre ou petit jeu quand on s’ennuie.
Q Le spectateur devient un acteur dans Motto…
R : On se demandait comment arriver à faire participer les gens. Dans un jeu vidéo, on actionne des boutons, on déclenche des actions. Avec Motto, on a une interaction différente parce qu’on fait bouger les gens. On les fait chercher des choses, on les fait regarder autrement l’endroit où ils vivent, où ils sont, on leur de demande de trouve un truc qui leur fait penser à quelque chose.
On se demandait comment on arriverait à le faire fonctionner partout dans le monde. Il faut trouver des choses que n’importe qui pourrait faire, qu’il vive à la campagne, ou dans une grande ville, chez ses parents ou en train de se promener pour aller au travail. Parfois tu revois les images que d’autres gens ont faites ailleurs dans le monde, de la même page qu’ils avaient lue. Je pense que c’est assez unique.
Q : Chaque personne a un degré de participation, mais vous aviez aussi besoin d’images spécifiques. Comment avez-vous amassé vos images, et quel a été le processus?
R : Motto va évoluer, se transformer. Plein de gens à travers le monde vont ajouter des images. La structure, l’histoire vont être les mêmes, mais à chaque visionnement, ça va être quelque chose d’unique. Mais pour les images de base, il y a des archives personnelles de Caroline, mon amoureuse et complice, qui fait le montage et la direction artistique. Certaines choses ont été filmées par moi ou Caroline selon nos besoins spécifiques. On ne voulait pas que le projet ait l’air d’Instagram, sleek, léché, que les gens aient la pression de faire des belles images.
Q : J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de poésie dans votre film, grâce à l’association des mots, des images. On dit parfois que les jeunes ne lisent pas, n’écrivent pas de poésie. Pensez-vous que certains pourraient avoir de la difficulté à accrocher parce le propos est plutôt poétique?
R : C’est vrai qu’il y a beaucoup de poésie dans le projet, mais c’est aussi plein d’humour. La poésie, c’est une façon de regarder le monde. Une pince, par exemple, peut devenir un papillon. Ça n’a pas besoin d’être un recueil de poésie. Le projet repose sur le fait de regarder le monde d’une façon différente. C’est poétique, mais c’est vraiment accessible, même pour quelqu’un qui n’a pas envie d’ouvrir un recueil de poésie. C’est ludique, facile d’approche. Par exemple, la métaphore des doigts qui deviennent une anémone de mer, c’est cool à faire et à voir, de filmer sa main et ensuite de la voir dans un autre contexte. Ça change les aprioris qu’on peut avoir. Si les gens le font sincèrement, ils vont tripper, et ce n’est pas ça qui va les arrêter.
Q : Pensez-vous que le film va résonner différemment dans le contexte mondial de pandémie?
R : C’est vraiment étrange, ça fait trois ans qu’on travaille sur le projet, et il va être lancé dans cette période vraiment unique. C’est clair que plein de trucs résonnent d’une façon différente. Ce que je trouve trippant avec Motto, c’est que tu vis à la fois une aventure dans ton intimité, chez toi ou pendant une marche dans ta ruelle, et en même temps, tu as un sentiment de communauté avec des gens que tu ne connais pas. En ce moment, où on a envie de contact, le rapport avec les autres nous manque. On fait plein de Zoom, de Skype, de Facetime, mais on a envie de plus. Motto offre ça, et d’une façon vraiment différente que celle à laquelle on est habitués.
Q : À chaque fois qu’on voit un visage, il est anonymisé. Ça garde le mystère sur la personne…
R : Même moi je n’ai pas envie de mettre ma vraie face. Il y a quelque chose de libérateur, de penser qu’on ne verra qu’un peu le bas de mon visage. Toute l’équipe allait dans la même direction. On est arrivé avec ce choix éditorial, en mettant des mots dans les visages. En ne reconnaissant pas les gens, tu peux te projeter dans différentes personnes. Une personne devient la cousine Rita, mais n’importe qui peut devenir Rita! C’est drôle de penser qu’on peut devenir un personnage. Quand on a imaginé le projet, on voulait trouver une façon que tous les participants soient à l’aise et ne se retrouvent pas dans une situation où ils sont complexés.
Q : C’est quoi? Un film? Un jeu? Un livre? Une oeuvre?
R : On dit film, on dit livre, c’est un peu un mélange de tout ça. Je suis curieux de voir comment ta génération va se l’approprier. C’est votre grammaire, la façon de consulter le contenu, l’esthétique. C’est inné. Ce projet est super ovni, et en même temps super familier. J’ai vraiment hâte de voir comment les lecteurs de Curium vont se l’approprier, quels genres de trucs vont être filmés. Je suis super excité et enthousiaste de voir comment les différentes personnes vont créer le contenu et ce qu’ils vont penser de cette bibitte-là. Vu que c’est Web, gratuit, ça va se retrouver partout dans le monde! Québec, Montréal, Baie-Comeau, mais aussi New York, Nouvelle-Orléans, Buenos Aires, Tokyo. Ça c’est aussi vraiment trippant.
MOTTO est disponible depuis le 28 mai à l’adresse suivante : motto.io
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