Hypersensible, et alors?
Une étiquette effleurant votre peau suffit pour vous mettre au supplice. Une odeur de vieille vadrouille vous empêche de résoudre votre problème de maths. Les feuilles des arbres vous émeuvent aux larmes. Hypersensible, vous dites ?
Alix, 14 ans, connaît très bien ce trait de personnalité : elle compose avec l’hypersensibilité au quotidien. « J’ai toujours été la petite fille extrêmement sensible qui pleure souvent, pour toutes sortes de raisons. Je suis généralement de bonne humeur, mais tout, absolument tout, m’affecte ! »
L’hypersensibilité rime bien sûr avec une grande émotivité, mais pas seulement. La Dre Elaine Aron, docteure en psychologie et chercheuse américaine à l’origine du terme Personne Hautement Sensible (PHS), recense plusieurs caractéristiques qui définissent ce trait de caractère :
- Manière différente de traiter les informations
- Très grande empathie
- Hypersensibilité sensorielle (toucher, ouïe ou odorat)
Les spécialistes soupçonnent que les hypersensibles éprouvent des difficultés à contrôler leur réaction face à différents stimuli. Par exemple, certaines personnes « ressentent » la douleur d’un proche ou d’une connaissance, elles sont agacées par le bruit d’une ampoule, elles se sentent submergées par l’émotion en voyant une œuvre ou encore elles sont envahies de colère face à une injustice somme toute banale.
Ces réactions intenses font partie du quotidien d’Alix. « Je me souviens qu’à la garderie, je pouvais pleurer si j’accrochais un ami sans faire exprès. Au primaire, je pleurais si mon enseignante me donnait un avertissement pour avoir bavardé au mauvais moment. J’avais la larme facile… mais le sourire tout autant ! »
Pour l’entourage d’une personne hypersensible comme Alix, ces comportements peuvent sembler excessifs ou même inadéquats. Alix se souvient d’ailleurs que ses camarades de classe lui répétaient qu’elle pleurait toujours pour rien. « Le plus dur, c’était d’expliquer comment je me sentais, alors que je ne le comprenais pas moi-même. »
L’hypersensibilité concerne davantage les filles ? FAUX !
Les filles ont toutefois moins de difficulté à s’avouer très sensibles. « Il existe encore une fausse croyance associant la sensibilité masculine à une faiblesse », souligne Saverio Tomasella, docteur en psychologie et psychanalyste. Résultat ? Les hypersensibles au masculin refoulent souvent ce trait de leur personnalité.
À contre-courant ?
Avant de découvrir qu’elle était hypersensible, Alix se sentait différente de son entourage, voire carrément extraterrestre ! Dans une société où dévoiler ses émotions est peu accepté, vivre avec une sensibilité exacerbée peut sembler relever du parkour : « La société voudrait qu’on soit performant·e, obéissant·e, qu’on ne dise rien quand on souffre, qu’on soit toujours d’humeur égale », soutient le psychologue Saverio Tomasella.
Pour Alix, l’hypersensibilité est simplement un trait de personnalité parmi d’autres. Avec l’aide d’une psychologue et d’une neuropsychologue, la jeune fille a appris à vivre avec sa particularité et à développer des stratégies pour mieux gérer ses émotions au quotidien.
Une force en soi
Les réactions émotives, qu’elles semblent exagérées ou non, ont leur raison d’être. « Une sensibilité élevée est une force si on considère que c’est un outil pour être en relation avec le monde, estime Saverio Tomasella. On peut changer le regard qu’on pose sur elle. En percevant nos émotions de façon positive, on développe notre intelligence, notre créativité. »
Quant à Alix, elle croit que les émotions doivent être respectées en tout temps, peu importe si elles sont vécues par une personne hypersensible ou non.
A 67 ans, je comprends enfin pourquoi je fonctionne avec une hypersensibilité et une hyperémotivité et surtout pourquoi je n’arrivais pas à trouver ma place au milieu des autres. Le livre d’Else Marie Bruhner « Hypersensibilité, et alors ? » m’a beaucoup aidé à me découvrir sous un oeil non culpabilisant. J’aimerais trouver d’autres personnes comme moi pour échanger.