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Concours Uchronie – Deuxième prix

18 août 2020 - Curium

Dans notre numéro d’été, nous vous parlions des uchronies, ces récits de science-fiction qui changent un élément du passé. Vous pouvez lire ici le texte de Lucie Dionne, qui a remporté le deuxième prix. 

Postulat : si la religion avait inclus la science dans ses principes?

DRING! DRING! DRING!

J’écrasai mon poing sur mon cadran. Déjà le matin, et je serais bien restée dans mon lit quelques heures de plus. Mais le travail ne prend pas de pauses, et j’ai déjà été assez en congé pour le reste de l’année. Allez, hop! Je me reposerai quand je serai morte.

Je me dirigeai vers la salle de bain, pour faire mes ablutions. Une fois ma soutane revêtue, je pressai le pas vers l’église. J’étais déjà en retard, et je n’avais pas envie que le père Marc me rajoute des travaux supplémentaires. J’en avais déjà assez à faire.

Sœur Magali m’ouvrit la porte arrière de la cafétéria, et toutes les deux nous nous précipitâmes à la cuisine. Nous reprîmes notre rythme régulier, elle qui épluche les patates et fouette les œufs, et moi qui fais cuire le déjeuner.

  • Tu as de la chance, le père Marc n’est pas encore arrivé. Tu as de la chance que son mari soit assez… Olé olé!
  • Magali! rigolai-je. Ne dis pas des choses pareilles. C’est incroyable comme tu peux être vulgaire.

Magali haussa les épaules, un sourire jouant sur ses lèvres, et commença à apporter des plats de nourriture aux tables. Je la suivis, une poêle de bacon dans les mains, et mis le nombre précis de tranches requis dans les assiettes. Je mis une tranche supplémentaire dans les assiettes du père Marc et de son époux, docteur Lévesque, qui serait probablement épuisé par leur sport matinal.

  • Bonne idée, me souffla Magali avec une œillade malicieuse. Comme ça, il va peut-être te pardonner ton retard.

Je l’ignorai ostensiblement, et retournai en cuisine commencer la vaisselle. Magali me rejoignit quelques minutes plus tard, babillant des détails à propos de nos études.

  • En fait, ce qui est intéressant avec le spin quantique, c’est qu’il n’y a que deux valeurs possibles. Positifs et négatifs. Alors, quand il y a une intrication quantique, et que les états superposés sont les parfaits opposés, et bien les mesures seront complémentaires. Et quand on les mesure simultanément, elles restent intriquées. C’est comme s’ils étaient télépathes!

Le père Marc hocha la tête, patient, et attendit de pouvoir en placer une dans le monologue de l’étudiante en physique quantique. Interceptant son regard, je m’essuyai les mains sur le l’essuie-vaisselle et partis chercher le matériel nécessaire pour la bénédiction du déjeuner. Quand je revins, le père Marc était en train de lui raconter son dernier voyage à l’ISI, l’Institut de Sciences International. Magali l’écoutait, attentive, le cerveau roulant à mille à l’heure derrière ses beaux grands yeux noisette.

Je posai la bible et le chapelet au bout de la table, à côté de l’assiette du père Marc. Juste à temps, car les gens commençaient à entrer, bavardant et affamés. Je leur souris, et conversai avec François, mon meilleur ami. Le père Marc se racla la gorge, tout le monde se tut et se dirigea vers les sièges.

  • Bénissez-nous, Seigneur, bénissez ce repas, ceux qui l’ont préparé, et procurez du pain à ceux qui n’en ont pas. Ainsi soit-il! Amen.

Tous se jetèrent sur les assiettes et mangèrent joyeusement.

À l’école, je finis mon texte de français et remis ma copie. J’eus plus de difficulté avec le latin, et dus demander du temps supplémentaire. Frère André me fit les gros yeux, d’autant plus que j’avais terminé mon français avec deux heures d’avance. Mais bon, le latin a toujours été ma bête noire. On ne peut pas être doué partout, non plus. Par contre, mon professeur de physique fut aux anges après notre classe, essayant de m’attirer dans un cours encore plus avancé. J’y réfléchis sérieusement, et refusai. Même si je comptais poursuivre mes études en astrophysique, je n’étais pas encore assez avancée en latin pour sauter une année.

J’avais une heure de libre à la fin de ma journée, parce que j’avais laissé tomber la musique et l’art, ma fibre artistique étant très peu développée. Je m’en allai donc aux champs, aider pour ramasser les roches. Le printemps était une des saisons les plus dures, car l’école n’était pas encore terminée, mais il fallait absolument commencer à ramasser les roches avant les moissons, pour ne pas abîmer les machines.

J’avais horreur des roches, mais il fallait les faire, et j’en étais bien capable. Je passai donc mon après-midi à marcher derrière un tracteur, à ramasser toutes les roches plus grosses que mon poing. Le truc, c’est qu’on ne peut jamais savoir combien de temps ça va durer. On peut marcher vingt mètres et ne ramasser que trois roches, comme on peut passer vingt minutes sans que le tracteur avance.

Et tout cela sous un soleil brûlant, avec les moustiques qui vous tournent autour et la poussière qui colle partout, y compris sous les vêtements. En bref, pas le meilleur moment de la journée. Mais la compagnie était bonne, et en définitive, j’étais contente de mon bronzage.

J’arrêtai vers 4 :30, et me dirigeai vers l’étable. Aujourd’hui, c’était mon tour de faire la traite. Je préparais les trayeuses en attendant que François arrive et que Gustavo mette la paille neuve sous les vaches. Alors que nous commencions le train, François alla traire la vache fraîchement vêlée, avec une trayeuse spéciale. Il apporta le colostrum au bébé veau, et vint nous rejoindre pour finir la traite.

Avant d’aller souper, j’enlevai mes vêtements de travail sale, pris une douche et me récurai en profondeur. J’arrivai trois minutes avant le début du bénédicité. Je m’assis, et zieutai mes patates. Heureusement que j’aime beaucoup les pommes de terre, car nous en mangions presque à tous les repas.

Ça fait partie de notre culture, et l’église croit aux bienfaits des patates.

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