Bon pour la poubelle… ou pas?
Garder le même téléphone cellulaire toute notre vie ? Bizarre, mais possible. Les objets sont conçus pour qu’on s’en débarrasse rapidement. Et si les réparer était plus facile qu’on ne le croit ?
En juin, l’ampoule électrique de la caserne de pompiers de Livermore, en Californie, célébrera ses 114 ans. La fameuse ampoule aura alors éclairé pendant un million d’heures ! Pourquoi alors nos ampoules s’éteignent-elles après quelques années, même quelques mois ?
L’explication tient en deux mots : obsolescence programmée.
Le complot
En 1924, les principaux fabricants d’ampoules électriques se réunissent secrètement en Suisse. Leur but : statuer sur la durée de vie maximum des ampoules (partout dans le monde), pour s’assurer que les consommateurs en achètent régulièrement.
Alors qu’on dispose déjà d’ampoules qui durent plus de 2 500 heures, on demande aux ingénieurs de mettre au point un produit qui ne franchira pas le cap des 1 000 heures. La logique du « toujours plus » (acheter plus souvent, plus neuf, et – soi-disant – plus performant) vient de naître.
Au bout de cette logique de consommation se trouvent des tonnes de déchets. Les pays industrialisés en expédient une grosse partie à l’étranger (Wow ! Voilà une solution efficace). D’immenses cargos quittent l’Amérique du Nord et l’Europe en direction du Ghana, de la Chine, de l’Inde, du Pérou ou encore de la Bolivie pour y abandonner leurs rebuts électroniques.
Heureusement, l’idée de réparer, recycler et même « upcycler » (donner une seconde vie à un objet désuet en l’améliorant) séduit de plus en plus de créateurs et d’entrepreneurs. Les initiatives pour contrer l’obsolescence programmée se multiplient.
Ça pèse combien, l’obsolescence ?
Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) estime que 20 à 50 millions de tonnes de déchets électroniques sont produits chaque année à travers le monde.
L’ampoule de Livermore est filmée 24 heures sur 24 par une webcam. Pour la voir briller, c’est ici. L’histoire veut qu’elle ait survécu à deux webcams… de toute évidence conçues pour ne pas durer !
La loi s’en mêle… peu !
En 2014, le gouvernement français a entériné une loi visant à sanctionner l’obsolescence programmée. Pour les organisations de protection de l’environnement, c’est un début, mais c’est insuffisant. À travers la planète, il n’existe aucune contrainte légale pour les fabricants.
Téléphone « Lego »
En 2012, Dave Hakkens frappe à plusieurs portes pour faire réparer son appareil photo. Il obtient chaque fois la même réponse : on ne vend pas de pièces, et acheter neuf reviendra moins cher.
L’étudiant en design décide alors de démonter son appareil pour identifier le problème et y remédier. Il découvre que seule une toute petite partie est endommagée. Jeter un appareil qui fonctionne à 90 % ? Absurde !
Dave décide alors de mettre au point un téléphone cellulaire modulaire pour un travail de fin d’études. Un appareil composé de pièces facilement détachables et remplaçables, que l’utilisateur peut personnaliser selon l’évolution de ses besoins.
Le prototype s’assemble et se démonte à la manière d’un jeu de Lego. Le pari de Dave : réduire la production de déchets électroniques en proposant un téléphone qu’on peut réparer, améliorer et mettre à jour. En 2013, il lance Phonebloks, aujourd’hui repris par le géant Google via le Projet Ara.
« Le vrai défi, c’est de faire évoluer les habitudes de consommation, dit Tomas Halberstad, responsable des communications chez Phonebloks. On aime avoir du neuf constamment. Or, l’idée de base de Phonebloks implique de garder le même appareil le plus longtemps possible. C’est une des raisons pour lesquelles on s’intéresse à de nouveaux matériaux qui vieilliraient bien. Un peu comme un jean qu’on aime pour son côté usé. La coque du téléphone de demain prendra peut-être de la valeur avec l’âge ! »
Le débat
Sans obsolescence programmée, disent les uns, l’économie va s’effondrer. Des centaines de milliers d’emplois sont créés du fait que nous consommons beaucoup. À l’opposée, les partisans du changement estiment qu’on peut développer un nouveau modèle de consommation, économiquement viable. Après tout, avant les années 1960, l’économie n’était pas soumise à la règle du « toujours plus ».
L’économie roulait…mais autrement.
Et vous, qu’en pensez-vous?
Un texte de Sophie Mangado / Illustrations: Yohann Morin
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