J’ai joué dans un film!
Quand j’étais en secondaire 5, le réalisateur Henry Bernadet est venu dans ma classe d’art dramatique. Il recrutait pour son projet de film. Il ne cherchait pas des acteurs ou des comédiennes. Ce qu’il voulait, c’était travailler avec des jeunes bien ordinaires, venant de quartiers situés près de mon école, soit dans Villeray— Saint-Michel—Parc-Extension, à Montréal.
J’ai donné mon nom. Et c’est là qu’a commencé une expérience vraiment spéciale. On a fait plein d’ateliers d’improvisation. On explorait. Au début, ça servait un peu d’audition, pour voir dans quels rôles le réalisateur nous voyait. Ensuite, les impros alimentaient le scénario du film.
Le réalisateur avait une idée de la trame narrative générale, mais il voulait aussi y intégrer nos idées. D’ailleurs, on n’avait pas de texte à apprendre.
Avant de filmer, il nous donnait les grandes lignes de la scène, puis on improvisait (oui, encore!) pour que ça paraisse authentique.
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C’est drôle parce qu’au début, je me suis lancée sans trop croire que ça aboutirait à quelque chose. Il y a eu trois étés de tournage, puis un an de montage. J’ai finalement vu le film l’automne dernier, à 23 ans… alors que j’avais 18 ans au début de l’aventure! Ça s’appelle Les rayons gamma.
Mon expérience m’a fait réaliser à quel point le métier d’actrice est difficile. Pendant le tournage, on arrivait souvent à 6 h du matin sans jamais savoir quand finirait la journée, parfois à minuit ou même à 1 h du matin! J’ai trouvé ça très fatigant, mais j’ai beaucoup aimé.
Étrangement, j’ai trouvé plus difficile de jouer des émotions positives que des émotions négatives. Chiller et rire avec des chums? Vraiment difficile. Mais crier de rage après ma meilleure amie : super trippant (dans le film évidemment!).
Je priorise mes études en biologie, mais si j’avais l’occasion de jouer dans un autre film, je le considérerais. D’ailleurs, j’ai eu l’immense privilège d’être invitée dans un festival en Espagne pour la première mondiale! Pendant ces quatre jours, je me suis sentie comme une star, alors que j’étudiais sur la plage entre deux événements!
Océane, 23 ans
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La réflexion de Salomé Corbo, actrice et scénariste :
En lisant le témoignage d’Océane, j’ai réalisé que bien des gens ignorent à quel point le métier d’actrice est exigeant. Plusieurs croient qu’il suffit de se faire maquiller, coiffer et habiller pour que la magie opère dès que la caméra tourne. C’est loin d’être aussi rose que cela! C’est même souvent très fatigant pour le corps et pour l’esprit.
Tout d’abord, comme le dit Océane, les horaires sont difficiles. Pour certains tournages, je me lève à 4 h du matin pour ne rentrer qu’à 19 h ou 20 h. Et l’horaire peut être soutenu, comme cela, pendant plusieurs semaines. Ça me demande d’être en forme et bien reposée!
Les scènes de nuit sont particulièrement difficiles. On doit attendre qu’il fasse complètement noir pour tourner, puis on se dépêche à finaliser les scènes avant le lever du jour. Les tournages extérieurs en hiver sont un autre gros défi. Notre corps lutte contre le froid pendant des heures. C’est épuisant.
Les émotions qu’on doit faire vivre à notre personnage demandent, elles aussi, beaucoup d’énergie et de concentration. Imaginez devoir rire, pleurer, avoir peur ou crier pendant toute une journée. Ouf!
Océane a plus d’aisance avec les scènes dramatiques. Moi aussi! Je trouve plus facile de faire semblant d’être triste ou en colère que joyeuse. Faire semblant de rire de manière naturelle? C’est ardu.
Le travail de comédienne est donc plus exigeant qu’il n’y paraît. En revanche, il est absolument formidable! Ne dit-on pas qu’une actrice ou un acteur «joue»? Le jeu, un mot fabuleux qui rappelle l’enfance, quand on s’inventait des mondes imaginaires.
Les acteurs et actrices gagnent leur vie à faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Ce n’est pas banal. Nos oeuvres permettent aux gens de s’évader de leur quotidien. Il suffit de discuter un peu avec le public pour réaliser à quel point nos histoires font du bien. Être actrice, c’est émouvoir, faire rire, faire réfléchir… et pour moi c’est un grand privilège!
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