S’aimer de la tête aux fesses : Un filtre avec ça?
Que celui ou celle qui n’a jamais utilisé un filtre nous jette le premier cellulaire! Divertissement inoffensif ou bombe à retardement pour notre estime?
Février 2023. Le nouveau filtre Bold Glamour déferle sur TikTok. En seulement trois semaines, 18 millions de personnes l’utilisent dans leurs vidéos. Un record inégalé à ce jour.
Son effet est aussi extrême que bluffant. Teint sans faille, pommettes rehaussées, bouche pulpeuse, regard sublimé, traits affinés, maquillage spectaculaire… En un clic, les standards de beauté les plus irréalistes sont accessibles à tous et chacune, le temps d’une vidéo.
Le résultat est d’autant plus mystifiant que le filtre est indétectable. En règle générale, les filtres disparaissent au moindre mouvement, trahissant du même coup la transformation numérique. Bold Glamour résiste au test : il se superpose parfaitement sur la personne filmée, même quand elle passe la main devant son visage.
La technologie va-t-elle trop loin? Au sein de la communauté TikTok, des célébrités appellent au boycottage.
Glamour trop extrême
Comme des centaines de filtres sur Snapchat, Instagram et TikTok, Bold Glamour utilise la réalité augmentée afin de modifier ou d’améliorer l’apparence. La réalité augmentée est une technologie informatique qui superpose, en temps réel, des éléments virtuels à la réalité.
«Les outils d’intelligence artificielle et de reconnaissance d’images ne sont pas nouveaux, mais leurs algorithmes sont plus performants que jamais», explique Eddy Adams, designer et créateur indépendant de filtres, dont Baby
Dance et Handsome sur Instagram, ainsi que Baby Yoda et Mario sur TikTok.
Les algorithmes de Bold Glamour ont été entraînés avec une base de données beaucoup plus importante, incluant des portraits sous différents angles et éclairages. Ils peuvent ainsi déterminer avec précision les traits de l’utilisateur·trice et les remplacer par un masque numérique embellissant, peu importe les mouvements.
Miroir, miroir…
Se voir avec des oreilles de lapin ou une moustache de Mario Bros, c’est drôle et inoffensif. Se faire imposer un lifting numérique, une cyberchirurgie du nez ou un gonflement des lèvres par un filtre TikTok, c’est plus troublant…
Certains filtres peuvent porter atteinte à la confiance en soi, particulièrement chez les jeunes. «À l’adolescence, on accorde plus d’importance à son image, on se compare davantage, dit la Dre Janick Coutu, psychologue. Ces filtres photo et vidéo sont insidieux, surtout ceux qui transforment les traits de façon subtile, pour ne pas dire de façon invisible.»
En 2022, l’analyse de 30 études a confirmé que l’usage des réseaux sociaux accroît le risque de se trouver physiquement moche, à la fois chez les filles et chez les garçons.
Selon un sondage du projet Dove pour l’estime de soi, 80 % des filles admettent se comparer aux autres sur les réseaux sociaux. Pire, 25 % d’entre elles ne se croient pas assez belles pour publier une photo sans la retoucher.
Préserver votre estime à l’ère numérique
3 conseils
(par la Dre Stéphanie Léonard, psychologue)
1. Remettez en question le concept de beauté unique véhiculé par la société.
2. Suivez des comptes de personnes issues de la diversité en tout genre, dont la diversité corporelle.
3. Transformez votre discours intérieur négatif en compliments respectueux et bienveillants.
Beautés plurielles
En contrepartie, le mouvement de la positivité corporelle prend de l’ampleur depuis quelques années. Il prône notamment l’acceptation de soi et une représentation des corps plus diversifiée, incluant des personnes de taille, de corpulence, de culture, d’identité de genre et d’âge variés.
Et ça marche! Les études démontrent que les personnes exposées à une grande diversité de modèles corporels sont plus enclines à accepter leur propre apparence. «La diversité corporelle fait partie de notre société, dit Janick Coutu. Être unique, c’est tout à fait normal – et c’est ce qui est beau!»
Faire corps avec les mots
En 2022, la positivité corporelle se hissait parmi les 12 nouveaux mots ou expressions de l’année! Les origines du mouvement sont féministes. Il débute en 1996, aux États-Unis, lorsque Connie Sobczak et Elizabeth Scott fondent The Body Positive. Connie Sobczak souhaitait rendre hommage à sa soeur Stéphanie, décédée des suites de troubles alimentaires développés durant son adolescence.
Depuis, le mouvement a été soutenu par des mannequins taille plus comme Ashley Graham et Tess Holliday, avant d’être adopté par nombre d’influenceuses et créateurs de contenu sur les réseaux sociaux.
Toutes proportions (non) gardées
Même sans filtre, votre portrait n’est pas un reflet parfait de la réalité. Le responsable? Le type de lentille, qui a une incidence sur les traits du visage et les proportions du corps. Avec une lentille grand-angle, le visage est légèrement affiné et étiré, alors qu’avec un téléobjectif, le visage semble plus large. Pour qu’un portrait s’approche de la réalité, il faut se tourner vers une lentille standard.
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