Farah Alibay nous dit tout sur le pilotage d’astromobile martienne !
Un petit véhicule arpente ces jours-ci le sol de la planète Mars à la recherche de traces de vie. Parmi ses pilotes ? Une jeune Québécoise, Farah Alibay.
Que ressentez-vous lorsque vous pilotez Perseverance ?
Comme mon équipe, je suis excitée, fatiguée et fébrile. Amener un engin sur Mars est complexe. Si on trouve des preuves que la vie a existé sur la planète rouge, ça serait extraordinaire ! Ça répondrait à une question que l’humanité se pose depuis toujours. Je me trouve privilégiée de faire partie d’un tel projet.
Où en est la mission ?
L’astromobile Perseverance est arrivée sur Mars le 18 février dernier après avoir été lancée par une fusée en juillet. Je fais partie de l’équipe qui la dirige depuis Pasadena, en Californie. Au cours des prochains mois, elle va prendre des échantillons qu’on ramènera sur Terre lors d’une autre mission, en 2031 si tout va bien.
À quoi ressemble une journée de pilote d’astromobile martienne ?
Pendant la nuit martienne, Perseverance dort elle aussi, ses panneaux solaires n’étant plus alimentés par le Soleil. Nous en profitons pour lui préparer des instructions pour la journée suivante et les lui envoyer. Au matin, pendant que nous nous reposons, elle exécute le programme et nous envoie ses données en fin de journée. Je suis responsable de la navigation de l’astromobile. Sans GPS ni boussole, car il n’y a pas de champ magnétique ! Pour m’orienter, j’utilise l’instrumentation, ainsi que le Soleil. Je travaille aussi avec l’équipe responsable du petit hélicoptère qui la surmonte, nommé Ingenuity. Bref, mes journées sont très occupées !
Comment avez-vous atterri à la NASA ?
À 10 ans, en regardant le film Apollo 13, j’ai été impressionnée de voir les ingénieurs travailler ensemble pour ramener les astronautes sur Terre. Mais comme il n’y avait que des hommes blancs, je ne pensais pas que la petite fille brune de Joliette, l’immigrante, pouvait faire ça. À 16 ans, j’ai vu Julie Payette se retrouver à la NASA. Et j’ai commencé à croire que mon rêve pouvait se réaliser ! Je me suis dit : pourquoi ne pas essayer ? Au pire, je reviendrai à la maison, j’aurai mon diplôme d’ingénieure et je me trouverai un job. J’ai foncé : maîtrise en ingénierie et technologie spatiale de l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni ; doctorat en technologie de systèmes spatiaux au MIT. Puis stage à la NASA, où je travaille encore aujourd’hui.
Est-ce que certains profs du secondaire vous ont encouragée ?
J’avais un prof de maths vraiment dur. Il me faisait travailler plus que les autres élèves. Avec le recul, j’ai compris qu’il voulait me donner les outils pour réussir. Les profs qui vous poussent, ne pensez pas qu’ils ne vous aiment pas : c’est le contraire ! Ils vont changer votre vie, car ils prennent le temps de vous enseigner ce qui va vous aider plus tard. Ce prof, je lui parle encore !
Rêve-t-on encore après avoir été recrutée par la NASA ?
Quand je suis arrivée là il y a sept ans, j’avais comme objectif de faire atterrir quelque chose sur Mars ! Je l’ai fait en 2018 avec la mission InSight. Mais avec la mission Perseverance, je vois des photos de Mars que personne n’a vues avant dans l’histoire du monde. C’est comme être une exploratrice à travers les yeux du robot. C’est tellement passionnant que ça devient comme une drogue ! Alors, après Perseverance, je ne sais pas où je serai. Mais mon rêve professionnel, c’est de continuer à travailler dans ce type de mission complexe, avoir plus de responsabilités et, un jour, devenir cheffe de mission.
Un petit conseil martien ou terrestre pour nos lectrices et lecteurs ?
À l’adolescence, je voulais juste être comme tout le monde. Avec le temps, j’ai compris que la différence est une force. En étant soi-même, on devient meilleur. C’est l’un des messages que j’essaie de transmettre. Il faut suivre ses rêves et prendre sa place.
Texte: Michel Legault
Photo: JPL/ Caltech
vraiment bon!!!