Mystérieux nuage nucléaire
À l’automne 2017, un mystérieux nuage radioactif a survolé l’Europe. D’où provenait-il ?
Milan, Italie, octobre 2017
Un laboratoire détecte dans l’air une étrange concentration de poussières contaminées au ruthénium-106, un élément chimique radioactif. En quelques jours, des dizaines de stations de surveillance en Europe observent la même
chose.
Le constat est clair : un nuage radioactif géant survole le continent. Heureusement, le niveau de radioactivité n’est pas assez élevé pour causer un problème de santé. Tout de même, on n’avait pas vu un tel nuage de ruthénium-106 depuis la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 1986.
Rapidement, chaque pays affirme qu’il n’est pas responsable de la fuite. Pendant que tout le monde se gratte la tête, le nuage, poussé par le vent, continue à filer vers l’ouest.
Une première hypothèse est proposée. En examinant la météo des derniers jours, des spécialistes français et allemands estiment que le nuage provient du sud des montagnes Oural, en Russie.
Le gouvernement russe nie toute culpabilité. On trouve pourtant dans cette région une centrale nucléaire des plus mystérieuses…
Une ville secrète
En Russie, au milieu d’une région de conifères, de lacs et de marécages, se trouve le complexe nucléaire de Maïak. Il est situé dans la « ville secrète » d’Oziorsk, fondée en 1947 pour développer le programme soviétique d’armes nucléaires.
Pour conserver la pleine confidentialité sur ce qui se tramait là-bas, on a longtemps fait comme si la ville n’existait pas. Les 100 000 habitants, dont beaucoup travaillaient au complexe nucléaire, étaient absents des registres officiels. Oziorsk n’apparaissait pas sur les cartes. Pendant huit ans, ses résidants ne pouvaient même pas entrer en contact avec leurs proches ailleurs au pays.
Encore aujourd’hui, il faut une autorisation spéciale pour entrer à Oziorsk. On ne fait plus de bombes au complexe de Maïak, mais on y recycle du combustible nucléaire usagé.
Est-ce de là que provient le nuage de ruthénium-106 ? Jusqu’à tout récemment, personne ne pouvait le confirmer.
Remonter le temps
Août 2019
Surprise : une étude scientifique, signée par 69 chercheurs de 50 institutions, identifie Maïak comme la « source probable » du nuage de ruthénium.
Pour arriver à ce constat, les chercheurs ont incorporé toutes les mesures du contaminant dans un modèle météo, puis ils l’ont fait rouler à l’envers ! En remontant le cours des vents, ils sont parvenus à l’origine du nuage.
Ils démontent aussi les explications avancées par la Russie pour expliquer la provenance du nuage.
Explications de la Russie
- Le nuage a été créé par du matériel médical incinéré.
- Le ruthénium provient de la batterie d’un satellite qui s’est désintégré lors d’une entrée dans l’atmosphère ratée.
Réponses des scientifiques
- La quantité de ruthénium en fuite est trop importante.
- Plusieurs agences spatiales ont assuré qu’aucune désintégration n’avait eu lieu à ce moment-là.
Ruthénium
Le ruthénium-106 est un métal rare dont le noyau atomique contient 44 protons et 62 neutrons. Puisqu’il est instable, il se brise en morceaux et produit du rayonnement néfaste pour la santé. On le retrouve dans les résidus d’uranium utilisés dans les centrales nucléaires.
Il y a un avantage à extraire le ruthénium-106 de ces déchets : on peut l’utiliser pour traiter des cancers de la peau et des yeux. Sa radioactivité sert alors à détruire les cellules indésirables.
Des épinards radioactifs?
En Europe, les poussières radioactives du nuage de ruthénium se sont déposées sur les plants dans les champs, notamment les épinards, laitues et champignons. Aucun risque de s’intoxiquer toutefois… à moins d’en ingurgiter 32 kg ! Pas game Popeye !
L’accident de Kyshtym
En 1957, l’explosion d’un réservoir au complexe nucléaire Maïak a causé une immense décharge de radioactivité. 10 000 personnes ont dû être évacuées. Le gouvernement russe n’a pas reconnu officiellement cette catastrophe avant 1989.
Texte : Alexis Riopel
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