La peau, organe social
Garder deux mètres de distance, c’est frustrant ? Oui ! Car c’est important de se toucher !
Le toucher est le premier sens à se développer chez l’humain et la peau, l’organe le plus étendu de notre corps. C’est, entre autres, par la peau que se vit notre contact à l’autre. D’ailleurs, de plus en plus de scientifiques la considèrent comme un « organe social ». Rien de moins !
Touché !
Chaud. Froid. Doux. Rugueux… La peau sert à percevoir l’environnement. Mais elle permet aussi de tisser et maintenir des liens sociaux, d’émouvoir, d’exprimer des émotions et de percevoir celles des autres. Ne dit-on pas d’ailleurs qu’on est « touché » quand on ressent une émotion vive en lien avec une autre personne ?
On se laisse toucher et on est touché. Et sans même s’en rendre compte, on se laisse aussi influencer ! C’est ce que les scientifiques appellent le « toucher social ». Saviez-vous, par exemple, qu’on est plus enclin à dire oui à une demande si elle est accompagnée d’un toucher ? À retenir pour l’après distanciation physique !
Disponible en quatre versions…
Le « toucher social », c’est quoi ? Les scientifiques déclinent ces gestes non sexuels en quatre versions :
« Simple »
Serrer la main de quelqu’un, toucher le bras d’un pair pour poser une question, tapoter la main d’une personne âgée. Des gestes brefs posés sur une partie restreinte du corps.
« Prolongé »
Faire un câlin, donner la bise ou se tenir la main. Ici, on parle d’un contact plus long, souvent de peau à peau et mutuel. Le toucher prolongé implique fréquemment une pression.
« Dynamique »
Comme les caresses ou le frottement de la peau. Le toucher dynamique implique un mouvement continu sur la peau, partant d’un point à un autre, et souvent répétitif.
Et les « guiliguilis » ?
Comme elles relèvent plutôt du jeu enfantin, les chatouilles sont dans une classe à part.
La peau a faim
On peut être en manque de contacts. C’est ce que les psychologues appellent la « faim de toucher » (Touch hunger), la « faim de peau » (Skin hunger) ou le « manque de toucher » (Touch deprivation). Selon cette hypothèse, le manque affecte le moral, accroît le stress et peut même mener à la dépression.
La caresse parfaite
À la base de cette cohésion sociale, on trouve un réseau de nerfs entièrement dédiés à la tâche… une sorte de système nerveux de l’amour ! Qui a dit que la science n’était pas poétique ? Peut-être était-ce celui qui a nommé ces nerfs… les « nerfs sensitifs tactiles C », ou « nerfs CT ».
Les nerfs CT nous procurent beaucoup de plaisir. Mais encore faut-il savoir s’y prendre… Un petit mode d’emploi ?
Choisir la zone.
Les nerfs CT sont présents dans des zones poilues ou duveteuses, comme le visage, le côté externe des bras et les jambes. Une caresse dans la paume de la main peut être agréable, mais elle n’a pas la même portée affective. Elle sera « douce » ou « soyeuse ». Alors que la stimulation des nerfs CT engage l’émotion. On dira que ces caresses sont « réconfortantes », par exemple.
Y aller lentement.
Pour stimuler les nerfs CT, la caresse idéale est de vitesse modérée à lente. Comment ? Exactement entre 1 et 10 cm/seconde. Plus vite ou plus lentement, nada : ils ne perçoivent rien ! Avec les autres nerfs tactiles, appelés A, plus les caresses sont rapides, plus l’influx nerveux est intense. La fin de l’histoire ? L’information est relayée dans les zones du cerveau dédiées aux fonctions sociales plutôt que sensorielles.
Caresse de pouilleux
Les singes s’épouillent pour l’hygiène, mais aussi parce qu’ils aiment ça ! Les géladas, par exemple, passent 17 % de leur temps à s’épouiller, alors qu’il suffirait de 1 % pour capturer toutes les bibittes.
En « se cherchant des poux », les singes relaxent, se rassurent et réduisent leur niveau d’anxiété. Ces bienfaits favorisent la création et le renforcement de liens avec les autres « amateurs de poux ».
Nous aurions gardé des traces de ces pratiques primates ! Bon, évidemment, nous ne nous épouillons plus. Mais plusieurs de nos gestes s’apparentent au « balayage » de la fourrure pendant l’épouillage.
C’est le cas lors de massages, de caresses, ou lorsqu’on joue dans les cheveux d’un ami (ou qu’on les lave, les coupe). C’est le cas aussi lorsqu’on retire une peluche sur le vêtement de quelqu’un ou même – à réserver à nos plus proches amis ! – quand on fait sortir le pus d’une blessure ou d’un bouton !
Ces gestes, les chercheurs les classent dans la catégorie du (hum!)… co- toilettage humain. Selon eux, on trouve même des « co-toiletteurs » professionnels!
Ceux-là même dont plusieurs se sont ennuyés pendant le confinement : coiffeurs, manucures, masseurs et hygiénistes dentaires (bon, peut-être
un peu moins pour eux…).
Et quand c’est impossible ?
Toucher, c’est important. Mais voir et entendre les autres, cela permet aussi de se sentir connecté. Bref, un bon réseau social peut compenser le manque de contacts physiques. Ça stimulerait même le système immunitaire !
Texte : Marie-Hélène Croisetière
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