Futurologie : la science des prévisions
Faire une prévision implique de décortiquer le passé, analyser les tendances du moment et projeter le tout dans le futur. Mais chaque domaine scientifique rencontre son lot de défis…
CLIMATOLOGIE
LA MÉTHODE
Comment savoir le temps qu’il fera en 2100, alors qu’on ne sait même pas s’il pleuvra dans trois jours ? Les climatologues estiment les températures moyennes à long terme, des données plus stables que la météo quotidienne. Ils utilisent des simulations informatiques complexes qui incluent tous les facteurs pertinents : courants océaniques, vents, absorption des radiations du Soleil… Les données des 150 dernières années sont compilées et transformées en équations mathématiques. Du solide !
LE PRONOSTIC
Pour stabiliser la hausse des températures, il faudrait éradiquer complètement les émissions de gaz à effet de serre. Si rien n’est fait, la planète devrait se réchauffer de 3 à 5 °C, entraînant une hausse du niveau
des océans d’environ un mètre. Au cours des prochaines décennies, plusieurs régions du globe pourraient être menacées par d’importantes inondations, incluant le Bangladesh, les Pays-Bas, Cap Canaveral et la Nouvelle-Orléans aux États-Unis, la ville de Canton en Chine, Abidjan en Côte d’Ivoire et Jakarta en Indonésie.
Merci à Greg Flato, scientifique principal d’Environnement et Changement climatique Canada.
POLITIQUE
LA MÉTHODE
Les prévisions politiques s’étendent rarement au-delà de quelques années. Ce domaine repose sur le comportement humain, et nous sommes des « bibittes » complexes et imprévisibles ! Pour dresser un aperçu de l’avenir politique, les experts regardent les tendances mondiales des dernières années et tentent de deviner comment celles-ci vont évoluer.
LE PRONOSTIC
L’affaiblissement de l’influence américaine et les ambitions montantes de grandes puissances (Chine, Russie…) laissent croire qu’il y aura davantage d’instabilité et de risques de conflits sur la scène internationale. Ces changements de pouvoir bousculeraient un ordre établi depuis des décennies. De plus, depuis quelques années, la démocratie est en recul, notamment en Turquie, en Pologne et en Hongrie.
Merci à Jean-Frédéric Légaré-Tremblay, fellow et conseiller principal au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal.
ÉVOLUTION HUMAINE
LA MÉTHODE
Il est extrêmement difficile d’anticiper l’évolution du corps humain au cours des prochains millénaires. De un, il faut attendre des milliers d’années avant qu’une modification notable touche l’ensemble de la population mondiale. De deux, les progrès techniques ont quasiment éliminé le processus de sélection naturelle : ce ne sont plus les plus forts qui survivent. Les systèmes de chauffage nous protègent contre le froid, les médicaments, contre les maladies. Notre corps n’a plus autant besoin de s’adapter, bien que des mutations ou des changements environnementaux majeurs pourraient toujours nous pousser à évoluer.
LE PRONOSTIC
Les nouvelles technologies seront un jour le moteur de notre évolution. Plus brillants, plus forts, plus résistants à la maladie… Le transhumanisme veut surmonter les limites biologiques de l’humain en améliorant ses capacités physiques et mentales.
Voir Curium # 22 sur le transhumanisme.
Merci à Bernard Angers, professeur au département des sciences biologiques à l’Université de Montréal, Michelle Drapeau, professeure d’anthropologie à l’Université de Montréal et Siegfried Hekimi, professeur de biologie à l’Université McGill.
MÉDECINE
LA MÉTHODE
Développer de nouvelles cures est un travail de longue haleine, truffé d’embûches. Les scientifiques ne veulent donc pas créer de faux espoirs en promettant sans être certains. Trop risqué !
LE PRONOSTIC
Il est possible que la polio soit totalement éradiquée d’ici quelques années grâce aux campagnes de vaccination. On sait également que le réchauffement climatique favorisera le déplacement d’insectes porteurs d’agents infectieux (malaria, virus Zika) vers des régions plus au nord. Une douzaine de maladies tropicales, comme la fièvre jaune et le paludisme, menaceront ainsi les zones tempérées. Les recherches laissent entrevoir des médicaments personnalisés en fonction des gènes de chaque patient, des thérapies géniques qui corrigeront les génomes défectueux, le développement de cellules souches pour régénérer les organes endommagés, des stratégies pour amplifier la défense immunitaire en cas de maladie… Ces techniques amélioreront-elles le
traitement des cancers et des maladies cardiovasculaires dans 5 ou 105 ans ? Personne ne le sait…
Merci au Dr Gilles Paradis, directeur du département d’épidémiologie, biostatistique et santé au travail à l’Université McGill et au Dr Karl Weiss, microbiologiste et infectiologue à l’Hôpital général juif de Montréal.
DÉMOGRAPHIE
LA MÉTHODE
Les démographes se basent sur les statistiques de la population actuelle, l’évolution des taux de reproduction dans les différentes régions du monde (moyenne globale en baisse) et l’amélioration prévue de l’espérance de vie (moyenne globale en hausse).
LE PRONOSTIC
Selon l’ONU, nous devrions passer de 7,6 milliards en 2018 à 9,7 milliards en 2050. Si la tendance se maintient, le Nigeria dépassera les États-Unis et deviendra le 3e pays le plus peuplé au monde, derrière la Chine et l’Inde. Le Canada devrait pour sa part atteindre 51 millions d’habitants en 2100, comparativement à 36 millions aujourd’hui.
Merci à Sarah Brauner-Otto, professeure de sociologie à l’Université McGill. Merci à la World Future Society et à sa directrice générale, Julie Friedman Steele, pour leur collaboration à cet article.
Texte : Philippe Marois
Lire le dossier complet dans le numéro d’avril 2018.
publiez votre commentaire
dites-nous ce que vous en pensez