Les oeillères – Électron libre (Exclusif web)
par Mathieu Charlebois
En septembre, le Texas a adopté une loi qui empêche l’avortement après la sixième semaine de grossesse. Ces six semaines permettent de dire « Voyez ? C’est pas interdit ! » Sauf que…
Je n’ai jamais eu de menstruations. Le seul conseil que je peux donner, c’est ceci : quand la personne que tu aimes se plaint d’avoir des crampes, tu apportes une bouillotte chaude et tu lui flattes les cheveux. Malgré mon incompétence, je sais qu’une Texane peut être en retard de deux semaines dans ses règles, ce qui n’est pas rare, passer un test de grossesse pour découvrir qu’elle est enceinte et qu’il est trop tard pour avorter.
La loi ne prévoit aucune exception, même en cas de viol. Ne vous en faites pas, car le gouverneur du Texas a une solution : des viols, dans son État, y en aura pu. Pantoute.
Au Texas, on va « travailler sans relâche pour arrêter et condamner tous les violeurs ». Avoir su que c’était simple comme ça ! Le seul problème avec cette idée, c’est que pour arrêter un violeur… il faut que le viol ait déjà eu lieu. (Ce n’est pas le seul problème, mais si on fait la liste pour vrai, on ne finira jamais.)
Il y a deux façons de réduire le nombre d’avortements. La première est de le rendre plus difficile à obtenir, comme ils font au Texas. C’est la même méthode qu’on applique en Amérique latine, où l’on trouve certaines des lois les plus restrictives dans le domaine. Qu’est-ce qu’on trouve aussi en Amérique latine? L’un des plus hauts taux d’avortement au monde, trois fois plus élevé qu’au Canada.
Bref, les femmes le font même quand c’est interdit. Elles risquent leur vie et leur santé, parce qu’elles n’ont pas le choix.
La deuxième façon de réduire le nombre d’avortements, c’est de le rendre moins nécessaire.
Ne tombez pas en bas de votre chaise, mais quand on améliore l’accès à la contraception, le total d’avortements baisse. Paraît que la première étape d’un avortement, c’est de tomber enceinte. Fou, hein ? Le manque d’argent est la raison principale évoquée par celles qui décident de ne pas mener une grossesse à terme. Lutter contre la pauvreté c’est aussi avoir moins d’avortements. Les solutions sont là.
Les politiciens texans croient-ils vraiment leurs ridicules histoires de six semaines et de disparition des viols? Ce n’est jamais clair. Peut-être sont-ils idiots. Peut-être sont-ils de mauvaise foi. Probablement sont-ils les deux en même temps. Ce qui est clair cependant, c’est qu’ils décident d’ignorer les faits qui ne leur plaisent pas. Et tant pis pour celleux qui écopent!
Les idéologies peuvent être de dangereuses œillères qui nous laissent écarter du revers de la main beaucoup de souffrance humaine. On en devient aveugle à des réalités pourtant évidentes. Il faut toujours faire attention à ça. Surtout quand on est à la tête du deuxième État le plus populeux des États-Unis.
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