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Crise d’adolescence (ou pas)

22 août 2018 - Curium

« Pour résumer l’adolescence en quelques mots, je dirais que c’est un boulot incroyable. Le corps se transforme, la façon de réfléchir évolue, les affiliations sociales changent, les défis scolaires se corsent, des choix importants et embêtants se présentent, dit le psychologue Richard Cloutier. Il faut se débrouiller avec tout ça en même temps. »

En termes d’intensité de développement humain, seule la période de 0 à 1 an est plus importante. Et il faudrait être souriant par- dessus le marché ?

Crise ou adolescence ?

Tout change. Tout bouge. On est déstabilisé. Ébranlé. Dans ce contexte, une peine d’amour, un échec, une agression peuvent engendrer des réponses émotionnelles intenses… mais normales.

La fameuse « crise » existe réellement, mais ce n’est pas un passage obligé. Chez un jeune sur sept, seulement, le comportement devient inadapté. Dans ces cas (de crise), la situation ne se réglera pas toute seule. De l’aide est nécessaire.

C’est dire que 85 % des adolescents ne sont pas en « crise ». On jase, là… se pourrait-il que ce terme soit utilisé à tort et à travers pour jeter le blâme sur une personne en pleine crise identitaire ?

« Très souvent, on a un sentiment de perte de contrôle. Autant l’adolescent que les parents. L’étiquette de crise représente une porte de sortie attrayante pour expliquer ces comportements nouveaux », affirme Richard Cloutier, professeur et chercheur en psychologie du développement à l’Université Laval.

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Des conflits inévitables

Six ans (entre 12 et 18 ans), c’est la période dont nous disposons pour devenir complètement autonome au moment même où nos principaux outils (le corps et le cerveau) sont en pleine transformation.

Tout ça, sans manuel d’instructions. C’est le moment de tester, d’explorer. Le temps de se tromper aussi, pour se construire une identité propre. « Pour que ce soit possible, les gens qui assuraient le « contrôle  » pendant l’enfance, typiquement les parents, doivent comprendre le besoin d’espace. Donner plus d’autonomie, responsabiliser : c’est crucial. Si on est constamment freiné dans sa recherche d’indépendance, on ne peut s’exercer à contrôler son univers et s’améliorer », dit Richard Cloutier.

Parmi ces nombreuses remises en question : celle des valeurs familiales, parfois très difficile à vivre pour les parents. Pour adopter une valeur, on doit d’abord la choisir… et souvent même la rejeter pour un certain temps.

« Vers l’âge de quatre ans, l’enfant s’identifie à son parent de façon démesurée, affirme le psychologue Jean-François Bureau. Les parents ne réalisent pas que cette phase est exagérée, parce que c’est tellement le fun ! Des tonnes de dessins, des déclarations d’amour, des câlins… Le détachement de l’adolescence permet de revenir à un mode de relation plus normal. C’est un choc. C’est pourtant le juste retour du balancier. »

L’adolescent reprend le contrôle de son propre véhicule. Et le parent ? Il peut servir de GPS, de carburant. Chose certaine, l’un comme l’autre doit apprendre à composer avec une nouvelle réalité. Changer le mode de conduite. « Par contre, le parent est passé par là ; il devrait avoir la maturité de comprendre que le jeune a moins d’expérience de vie et se retrouve complètement désemparé par moments », note Richard Cloutier.

Les négos de l’adolescence

Parce que l’adolescence n’est pas obligée d’être une torture… On privilégie une bonne entente. Voici les revendications des deux parties représentées.

Les adolescents réclament :
– une plus grande autonomie
On a besoin d’encadrement, certes, mais aussi de latitude pour expérimenter. Sinon, comment parvenir à se débrouiller seuls, dans quelques années ? À moins que vous acceptiez de faire notre lavage pour la vie…
– de l’indulgence
Des parents qui « pognent les nerfs » ou qui font une montagne d’un rien, ça ne donne pas envie de se confier. On a besoin que vous restiez calmes pour ne pas paniquer, nous aussi !
– des parents présents et à l’écoute
C’est facile de perdre le nord en pleine exploration… On a besoin de parents qui gardent le cap, vers qui se tourner pour retrouver nos repères.
– une preuve de confiance
Nous sommes intelligents et capables de faire les bons choix. Oui, on va sans doute se planter à certains moments… Faites-nous confiance. Vous nous avez donné tous les outils nécessaires jusqu’à présent. C’est maintenant à nous de les utiliser !

Les parents réclament :
– du respect
Certains mots sont blessants, même si on est un adulte. Au lieu de s’emporter, pourquoi ne pas nous dire : « Je ne sais pas pourquoi, mais je suis de mauvaise humeur aujourd’hui » ?
– de l’indulgence
On n’a pas reçu le manuel d’instructions de l’adolescence, nous non plus ! Il se pourrait qu’on fasse des erreurs… mais on promet de faire mieux la prochaine fois.
– une volonté de communiquer
Même s’il est difficile de mettre des mots sur ce que vous vivez, même si vous êtes convaincus qu’on ne comprend rien, essayez. Tout ce qu’on veut, c’est être là pour vous.
– du temps de contact
Pour vivre des moments agréables, parler et rigoler, il faut passer du temps ensemble. Il y a la discipline et les responsabilités, mais ce ne doit pas être le seul temps de contact entre nous.

Texte : Andréa Sirhan Daneau

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