Bloquer les rayons du soleil : une controverse nommée SCoPEx
Et si on bloquait les rayons du Soleil pour empêcher la Terre de se réchauffer ? Après un premier test annulé l’été dernier, des scientifiques se demandent si les risques en valent la chandelle.
Une controverse nommée SCoPEx
Pour les adeptes de la géoingénierie solaire (le nom de cette technique), il faut quand même étudier l’idée, en cas d’urgence. Ils le font à l’aide de modèles informatiques. Mais ces modèles ne suffisent plus. Les scientifiques veulent observer comment se comportent de vrais aérosols, dans la vraie atmosphère.
Un premier test, la Stratospheric Controlled Perturbation Experiment (SCoPEx), était prévu l’été dernier. L’équipe de l’Université Harvard, financée par Bill Gates, prévoyait injecter 100 g à 2 kg de carbonate de calcium dans le ciel de la Suède. Cet aérosol est moins dommageable que le dioxyde de souffre.
Avec une quantité si infime, les scientifiques n’attendaient aucun effet sur le climat. Leur objectif se limitait à tester la technique et les connaissances. Mais les inquiétudes du public étaient si vives que l’équipe a dû annuler le test.
-0,5 °C. C’est la diminution de température enregistrée sur Terre après l’éruption du Pinatubo aux Philippines, en 1991. Ça a duré deux ans ! En projetant beaucoup d’aérosols dans l’atmosphère, certains volcans créent un bouclier thermique autour de la Terre. Les rayons solaires rebondissent.
Pourrait-on reproduire ce phénomène artificiellement ? L’idée, proposée en 1992, a d’abord été jugée loufoque… Jusqu’à ce que Paul Crutzen, spécialiste de la couche d’ozone et lauréat du Nobel de chimie, la relance en 2006. Il suggère alors de retirer un polluant des villes – le dioxyde de souffre, un aérosol – pour l’envoyer dans l’atmosphère. Eurêka ?
Beau sur papier, mais en vrai ?
L’idée est simple, mais les systèmes climatiques, eux, sont ultra-complexes. Trop, selon Damon Matthews, spécialiste du climat et des solutions durables à l’Université Concordia : « On ne comprendra jamais assez bien ces systèmes pour espérer les contrôler. On risquerait de faire encore pire. »
Et si on faisait pire ?
L’équipe de Harvard prendra le temps de mieux évaluer les conséquences de la SCoPEx avant d’aller de l’avant. Pour Damon Matthews, la communauté scientifique investit ses énergies au mauvais endroit en travaillant sur une solution aussi risquée que l’injection d’aérosols dans l’atmosphère. Les spécialistes craignent par exemple :
- de dérègler d’importants phénomènes climatiques comme les moussons, essentielles à l’agriculture de plusieurs pays dont l’Inde et la Chine,
- de causer des sécheresses sévères en Afrique et en Asie, mettant en péril l’approvisionnement en eau et en nourriture de deux milliards de personnes,
- de détruire encore plus la couche d’ozone,
- d’accroître les pluies acides,
- et d’augmenter la pollution de l’air quand les aérosols retomberont.
Arrêter ? Impossible !
La technique implique aussi un défi logistique quasi insurmontable. D’abord, il faudrait injecter des quantités phénoménales d’aérosols dans l’atmosphère. En plus, il faudrait aussi le faire continuellement… et indéfiniment ! Une courte pause, et le climat se déréglerait ! Les aérosols camouflent l’effet de serre, sans le régler.
« On ne s’en sort pas. La seule véritable solution à la surchauffe climatique, c’est d’arrêter d’envoyer du CO2 dans l’atmosphère », rappelle Damon Matthews. D’ailleurs, ce gaz à effet de serre n’agit pas seulement sur le climat. Sa dissolution dans l’eau acidifie aussi les océans, un problème majeur.
Un autre angle
La géoingénierie a toutefois d’autres cartes dans sa manche pour modifier les systèmes climatiques à grande échelle. Ces cartes, ce sont des techniques visant à retirer du CO2 de l’atmosphère plutôt que de bloquer les rayons solaires. On parle ici de séquestration du CO2 sous terre, d’arbres artificiels ou de gestion des organismes capteurs de CO2.
Cette classe de techniques sourit davantage à Damon Matthews, qui juge que « les risques sont beaucoup moins grands, puisqu’on agirait alors directement sur l’effet de serre plutôt que de le masquer ». Reste à développer ces techniques !
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