Alerte à la fraude scientifique
Pour la gloire ou pour l’argent, ces scientifiques ont menti. Et ils se sont fait prendre! Voici certains des arnaqueurs que nous avons trouvés.
Le semeur d’artefacts
Shinichi Fujimura, archéologue
On ne surnomme pas Shinichi Fujimura « La main de Dieu » pour rien. Partout où il passe, l’archéologue débusque des centaines d’objets très anciens. Après un début de carrière en amateur, il voit son talent exceptionnel lui faire gravir les échelons rapidement. Il devient même directeur adjoint de l’Institut paléolithique de Tohoku.
Dans les années 1990, ses découvertes bouleversent l’histoire japonaise. La première présence humaine au Japon ne daterait pas de 35 000 ans, mais de 60 000 ! Les livres d’histoire sont réécrits. Les lieux de ses trouvailles deviennent des sites historiques nationaux.
La main dans le sac
En octobre 2000, Fujimura annonce avoir découvert des dizaines d’outils préhistoriques. Quelques jours plus tard, un journal japonais publie des photos compromettantes. On y voit Fujimura en train d’enterrer lui-même ses futures « trouvailles ».
L’imposteur admet avoir falsifié plusieurs de ses découvertes. À partir de ce moment, toutes ses recherches ont une odeur d’arnaque. Il est démis de ses fonctions, et l’Institut qu’il codirigeait ferme ses portes.
Les greffes effaçables
William Summerlin, dermatologue
En 1973, William Summerlin déclare avoir transplanté des tissus d’une espèce animale à une autre. Sa technique révolutionnaire n’entraîne aucun rejet de la greffe. Son secret ? Conserver les tissus en culture in vitro pendant quelques semaines avant de les transplanter.
À l’époque, Summerlin est déjà une célébrité : il a greffé des cornées humaines sur des lapins. Mais dans la communauté scientifique, le doute s’installe… Aucune équipe de recherche ne parvient à reproduire son exploit.
En mars 1974, Summerlin tente de sauver son honneur en présentant une preuve irréfutable : deux souris blanches ayant été greffées avec la peau d’une souris noire.
La main dans le sac
Peu de temps après la démonstration, un assistant découvre que les greffons noirs disparaissent quand on les frotte avec de l’alcool. Summerlin avait dessiné ses « greffes » au marqueur noir ! 😂 Des enquêtes sont lancées. Rapidement, tous les travaux de Summerlin sont jugés frauduleux. Le dermatologue est licencié.
Les rayons imaginaires
René Blondlot, physicien
Plus puissants que les rayons X ? Les rayons N ! René Blondlot découvre ce nouveau type de rayonnement en 1903. Il les nomme « N » en l’honneur de sa ville, Nancy.
À l’aide d’un prisme en aluminium, le physicien émérite concentre ces rayons. C’est alors qu’il découvre leur pouvoir extraordinaire : quand on les dirige sur la flamme d’une bougie, la luminosité augmente !
Des scientifiques se rendent à Nancy pour observer le phénomène. L’Académie des sciences française soutient Blondlot. C’est la gloire !
La main dans le sac
Sceptique, le physicien américain Robert Williams Wood se rend lui aussi à Nancy. Pas le choix : les rayons N ne se manifestent qu’en présence de Blondlot lui-même.
Impossible de reproduire l’expérience ! Profitant d’un moment d’inattention de Blondlot, Wood retire le prisme par lequel passent les soi-disant rayons. Blondlot continue d’observer les rayons N, comme si de rien n’était. Dans la pénombre, Wood va même jusqu’à placer discrètement sa main en travers de ces fameux rayons, sans que Blondlot réagisse.
Wood publie son témoignage dans la revue Nature, en 1904. Le verdict est sans appel : les rayons N n’existent pas. Blondlot et ses adeptes sont ridiculisé·e·s. Plusieurs scientifiques avouent alors n’avoir jamais vraiment vu ces rayons !
Le roi des antivax
Andrew Wakefield, médecin
La vaccination cause l’autisme ! Voilà l’affirmation choc du docteur Andrew Wakefield, en 1998. Son article est publié dans la prestigieuse revue The Lancet. Douze enfants fréquentant sa clinique seraient devenus autistes peu de temps après avoir reçu le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR).
L’article de Wakefield a l’effet d’une bombe. Au Royaume-Uni, le taux de vaccination chute brutalement, causant une recrudescence des cas de rougeole, certains entraînant la mort. Pourtant, aucune autre équipe de recherche ne parvient à valider les conclusions de Wakefield.
La main dans le sac
En 2004, le journaliste britannique Brian Deer révèle que certains enfants de l’étude n’ont jamais été autistes. D’autres l’étaient déjà avant de recevoir le vaccin. En clair, plusieurs données ont été modifiées pour soutenir l’hypothèse de Wakefield.
Le médecin était financé par un avocat qui voulait attaquer en justice le laboratoire produisant le vaccin ROR. Son étude allait servir de preuve. Wakefield prévoyait également lancer son propre vaccin contre la rougeole, pour lequel il venait de faire une demande de brevet.
The Lancet rétracte l’article et Wakefield est radié de l’Ordre des médecins. Il vit désormais aux États-Unis… où il continue de militer contre les vaccins.
Alzheimenteur
Sylvain Lesné, neuroscientifique
En 2006, le chercheur français Sylvain Lesné et son équipe de l’Université du Minnesota, aux États-Unis, pensent avoir trouvé la cause de la maladie d’Alzheimer : la protéine bêta-amyloïde. Elle s’accumulerait à la surface des neurones et les empêcherait de communiquer entre eux.
Les preuves de Lesné sont convaincantes, même si ses collègues n’arrivent pas à reproduire ses résultats. Pendant 15 ans, les recherches sur l’Alzheimer se concentrent sur cette protéine, au détriment des autres hypothèses.
La main dans le sac
Après une enquête de six mois, le neuroscientifique américain Matthew Schrag révèle en 2021 que l’étude de Lesné a été falsifiée. Le Français a modifié des dizaines d’images et fabriqué des résultats d’expériences qui confirment son hypothèse.
La protéine bêta-amyloïde joue-t-elle un rôle dans la maladie d’Alzheimer ? Peut-être, mais ce n’est sûrement pas la seule responsable.
La fraude de Lesné a ralenti les recherches menées sur les autres facteurs liés à cette maladie, affectant près de 40 millions de personnes dans le monde.
LES GARDE-FOUS DE LA SCIENCE
Dans les universités et les instituts de recherche, les scientifiques réalisent des expériences. Ils et elles acquièrent ainsi de nouvelles connaissances susceptibles d’être utiles à d’autres spécialistes dans le monde. Afin de transmettre ce savoir, les équipes de recherche publient leurs résultats dans des revues scientifiques spécialisées.
Comment ces revues se protègent-elles des études frauduleuses ? En premier lieu, chaque article est évalué par au moins deux personnes indépendantes, mais spécialisées dans le domaine. Elles formulent ensuite des recommandations, que les signataires doivent suivre. Le processus est anonyme et bénévole.
En deuxième lieu, l’étude doit être reproductible : d’autres scientifiques doivent pouvoir la refaire et arriver au même résultat. En cas de fraude, la revue rétracte l’article.
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