La science serait différente si les femmes avaient été consultées
Les hommes et les femmes réagissent de façon similaire aux maladies et aux médicaments. ? Pas si vite…
D’abord, ici comme ailleurs, les femmes ont une plus grande espérance de vie. C’est connu. Mais il y a autre chose… Dès la naissance, et à toutes les étapes de leur vie, les femmes sont de meilleures survivantes.
Étonnés ? Cette certitude de la biologie humaine pourrait s’avérer un élément clé dans notre compréhension de la longévité. Pourtant, on en sait encore peu sur le sujet…
« Quand l’équipe de chercheurs compte une femme, il y a une plus grande possibilité que les résultats incluent aussi les femmes, indique la Dre Cara Tannenbaum, directrice scientifique de l’Institut de la santé des femmes et des hommes des IRSC. Les chercheuses sont plus susceptibles de prendre en compte le genre et le sexe que leurs collègues masculins.»
Il y a tout juste quelques décennies, on abordait la recherche d’une perspective exclusivement masculine. Les femmes, disait-on, peuvent être enceintes sans le savoir, elles ont des cycles hormonaux qui risquent d’influencer les résultats. Trop compliqué ! Idem avec les études animales, faites majoritairement sur des mâles, en raison des fluctuations hormonales des femelles.
La science privilégiait donc les hommes, les doigts croisés, en espérant que ce qui était bon pour Monsieur l’était aussi pour Madame. Or, ce n’est pas le cas.
Les femmes combattent mieux les infections et les bactéries, mais elles sont plus à risque de souffrir d’une maladie auto-immune. Elles ont des anticorps que les hommes n’ont pas et elles utilisent probablement des cellules différentes pour gérer la douleur. Elles ne ressentent pas la fameuse lourdeur à la poitrine lors d’une crise cardiaque, mais plutôt de la fatigue, des sueurs, des inconforts… Des différences, il y en a des tonnes.
« On a perdu un bon cent ans de recherches, déplore la Dre Tannenbaum. Si les femmes avaient toujours été incluses, imaginez à quel point on comprendrait mieux certaines maladies, imaginez combien de nouvelles solutions auraient pu être trouvées, tant pour les femmes que pour les hommes ! »
Les médicaments sont aussi métabolisés différemment. Les dosages ne peuvent pas être les mêmes. Certains traitements inoffensifs pour les hommes peuvent être nocifs, voire fatals, pour les femmes.
La recherche s’est donc dotée de codes d’éthiques plus inclusifs, pour considérer les femmes. Oh ! Et on sait maintenant que les hommes ont eux aussi des hormones variables qui peuvent influencer les résultats…
Mauvaise excuse, donc.
Encore aujourd’hui, le fossé est loin d’être comblé : « En 2010, moins de 50 % des chercheurs prenaient en compte les variables de sexe et de genre dans leurs études, dit la Dre Tannenbaum. Et ce ne sont pas seulement les femmes qui sont désavantagées par ce raccourci.
C’est en acceptant la complexité humaine, en incorporant toute sa diversité, en genre, en sexe et en origine ethnique, qu’on trouvera les réponses manquantes pour relever les prochains défis de la médecine. »
Et il y a autre chose.
On sait maintenant que le cerveau fabrique sans cesse de nouveaux circuits en fonction de ses apprentissages et expériences. La plasticité cérébrale, on appelle. Découvert il y a une quinzaine d’années, ce concept a révolutionné notre compréhension du cerveau. Rien n’est à jamais figé, ni programmé dans nos neurones. Le cerveau se transforme tout au long de notre vie. Tiens donc…
On le voit chez les musiciens, les joueurs de basketball, les chauffeurs de taxi, les mathématiciens… Est-ce que l’expérience d’être une femme pourrait aussi transformer le cerveau d’une certaine façon ?
Est-ce que la plasticité pourrait aussi expliquer certaines différences entre les cerveaux des hommes et des femmes ?
Un peu sexistes, les études en neurologie ?
Parfois, mais elles bénéficient surtout d’échos médiatiques considérables… et sont donc potentiellement plus dangereuses !
Depuis 2010, le NeuroGenderings Network, un réseau interdisciplinaire et international de vigilance, produit des colloques tous les deux ans pour questionner le rôle des neurosciences dans la consolidation (ou le renversement !) des stéréotypes de genre.
Le neuroféminisme contre le neurosexisme.
Texte: Julie Champagne
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