On nous cache des choses.
Certaines personnes voient des conspirations partout. Et les conséquences sont parfois fâcheuses.
L’histoire de Lenny Pozner est triste. Vraiment triste. Son fils de 6 ans, Noah, est mort le 14 décembre 2012. Ce jour-là, un cinglé a abattu 27 personnes à l’école primaire Sandy Hook, dans l’État du Connecticut, aux États-Unis, avant de s’enlever la vie. Noah faisait partie des victimes.
Des gens ont rapidement qualifié cette fusillade de mise en scène : la tuerie n’aurait jamais eu lieu, aucun enfant ne serait mort, et les « parents » seraient des acteurs, payés pour faire croire à la tragédie. Il s’agirait d’un complot élaboré par l’administration de Barack Obama, dans le but d’instaurer un contrôle plus serré des armes à feu.
Le 16 décembre 2012, deux jours après le drame, Lenny a commencé à recevoir des courriels haineux :
« Nous savons que Noah n’a jamais existé et que tu as été payé pour simuler ».
En deuil de son jeune fils, Lenny a dû se défendre contre des attaques personnelles et même des menaces de mort… Sympas, ces théoriciens du complot.
Une théorie du complot naît lorsque des gens doutent de la version officielle d’un évènement et construisent leur propre version de l’histoire à partir de ce qu’ils considèrent être des « preuves ». Selon ses partisans, les autorités ont des plans secrets et beaucoup de choses à cacher, et tout ce qu’elles nous disent doit être mis en doute.
Des millions d’adeptes
Selon Michael J. Wood, un chercheur en psychologie à l’Université du Kent, en Angleterre, une personne sur deux adhère à une théorie du complot. Aux États-Unis, un sondage a révélé que :
- 28 % de la population croit qu’une organisation secrète et puissante complote pour prendre le contrôle de la planète et instaurer un Nouvel Ordre Mondial.
- 51 % des Américains sont persuadés que l’assassinat du président John F. Kennedy en 1963 faisait partie d’un complot plus grand.
« Ça vient d’un besoin de donner un sens au monde, explique Alain Bouchard, professeur-chercheur en sociologie des religions à l’UniversitéLaval, à Québec. Pour ces gens, il est difficile d’accepter que les choses arrivent par hasard. Tout doit avoir une explication et c’est encore mieux si tout peut être expliqué par une seule et même cause. »
Sectes nouveau genre ?
Il existe toute une panoplie de conspirations (voir notre sélection en pages 15 à 18 de notre magazine #25). Certaines mettent en doute la véracité d’évènements ponctuels (tuerie de Sandy Hook, attentats du 11 septembre 2001, alunissage d’Apollo 11 en 1969). D’autres s’attaquent à des réalités plus vastes (changements climatiques, sphéricité de la Terre, etc.).
« Mais dans tous les cas, poursuit Alain Bouchard, on nie une version officielle en supposant qu’il y a une autre intention derrière. C’est une façon d’enchanter le monde, de laisser place à une certaine magie. »
Si les conspirationnistes ont toujours existé, l’avènement du web leur a permis de diffuser plus largement leurs idées et de recruter de nouveaux adeptes. Les réseaux sociaux, les sites web et les blogues regroupent les gens qui adhèrent aux mêmes scénarios. Ils échangent et consolident leurs théories.
Ces lieux de rencontres virtuels montrent aux croyants ce qu’ils veulent voir et amplifient leurs croyances. Ces derniers finissent par croire que tout le monde pense comme eux et que la réalité est telle qu’ils l’imaginent. Ces groupes deviennent également de plus en plus étanches aux apports extérieurs.
« Ça ressemble beaucoup à des sectes, compare Alain Bouchard. Les adeptes ont l’impression d’être des privilégiés qui ont accès à un savoir secret, d’être des initiés, des élus. » Si quelqu’un arrive avec un fait scientifique (ou autre) qui démontre qu’ils ont tort, ils bannissent simplement cette personne de la discussion.
« Par essence, les conspirations sont irréfutables, explique Alain Bouchard. Si quelqu’un apporte la preuve de leur fausseté, on considère cette personne comme faisant partie du complot : elle a probablement été payée par l’organisation pour nuire à leur enquête. » Si vous tentez d’expliquer l’importance des vaccins à quelqu’un qui s’y oppose (voir page 16 de notre magazine #25), il vous considérera à la solde d’une compagnie pharmaceutique et rejettera tous vos arguments.
Texte: Joël Leblanc
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