Mayas, média, saga
Le 8 mai, des médias de partout dans le monde ont applaudi la découverte scientifique d’un Québécois de 15 ans. Trois jours plus tard, tous ont rejeté sa théorie. Rencontre avec celui qui a été au coeur de cette étrange tempête médiatique : William Gadoury.
Au printemps, William Gadoury se qualifie pour la finale québécoise des Expo-sciences. L’adolescent de 15 ans pense avoir découvert une cité maya inconnue, en pleine jungle mexicaine… sans y avoir mis les pieds, évidemment.
Son hypothèse retient d’abord l’attention d’une radio régionale, puis celle des médias québécois. Contre toute attente, le web s’emballe et des journalistes des deux côtés de l’Atlantique s’emparent de la nouvelle.
« C’était bizarre, le téléphone sonnait tout le temps à la maison. Je recevais des invitations d’amitié par centaines sur Facebook. Je n’étais presque pas en classe, je ne faisais que des entrevues ! »
Mais après quelques jours, le vent tourne. Les médias donnent la parole à des spécialistes de la civilisation maya qui remettent en question la découverte. La théorie de William, disent-ils, ne tient pas la route. Et l’image satellite publiée par de nombreux sites de nouvelles ne montre pas les vestiges d’une ancienne pyramide, mais plutôt un champ de maïs !
William a un contre-argument pour chacune de leurs objections. Mais surtout, il explique que le fameux cliché du champ de maïs a été diffusé par erreur.
« Cette photo n’a même pas rapport avec recherches, je l’utilisais simplement pour indiquer la différence entre une image radar et une image optique. C’est pourtant ça qui a déclenché la contestation. Les spécialistes croyaient que mes preuves reposaient là-dessus. »
Malgré les critiques, aucun spécialiste n’attaque William. Au contraire, tous saluent sa détermination et l’encouragent à poursuivre ses recherches.
Les reproches, c’est sur les médias qu’ils tombent. Les journaux qui ont élevé un projet d’Expo-Sciences au rang de grande découverte archéologique, sans nuances.
Même William partage ce point de vue : « J’ai toujours dit : “Je pense, j’ai une hypothèse, je pourrais découvrir…” Dans les médias, c’est devenu “j’ai découvert ”. »
Mais l’épisode n’a pas démoli l’optimisme de William. Au contraire, cette couverture médiatique augmente ses chances de trouver des partenaires pour se rendre sur place, au Mexique. Et c’est ce dont il rêve : vérifier, à coups de pelles, si les traces d’anciennes constructions se cachent dans le sol, là où il le pense.
Si c’est le cas, les médias pourront enfin affirmer que William a découvert une cité maya.
Comment les Mayas déterminaient-ils l’emplacement de nouvelles villes ?
C’est ce que William a cherché à comprendre pendant des années. Jusqu’à ce qu’il découvre que le positionnement d’une centaine de cités mayas connues concorde avec celui de constellations (une vingtaine au total). L’une et l’autre se superposent.
Et si les Mayas, grands passionnés d’astronomie, avaient développé leur empire en fonction des cartes du ciel ?
En se basant sur une ancienne légende, William a positionné trois étoiles de la constellation d’Orion au coeur du territoire maya, où il n’y avait pourtant que deux cités identifiées. Supposant qu’il pourrait y avoir une troisième ville inexplorée « sous » la troisième étoile, il a analysé d’innombrables images satellites de la région. Il a alors décelé des formes géométriques dissimulées sous une jungle abondante. De possibles traces d’anciennes structures humaines, selon un spécialiste en télédétection consulté par William.
Comment se fait-il que plusieurs grands médias soient tombés dans le panneau et aient déclaré, sans vérification, que William avait fait une importante découverte archéologique ?
Selon Catherine Mathys, chroniqueuse techno à Radio-Canada, les médias sociaux sont probablement en cause. Pour s’assurer des revenus publicitaires en ligne, les médias traditionnels (journaux, radio, télévision) ont besoin d’un maximum de clics. Leurs nouvelles doivent être lues et partagées par le plus grand nombre.
Les nouvelles sont donc conçues pour accrocher rapidement l’internaute, qui souvent ne lit que les grands titres.
« Certains médias se laissent alors tenter par les titres racoleurs (beaucoup plus relayés sur les médias sociaux que les titres « un peu plates »). L’histoire de William avait tous les ingrédients de cette recette magique de l’émotion à laquelle carburent les réseaux sociaux : une civilisation mystérieuse, des cartes d’étoiles, un jeune plein d’ambition. On voulait y croire. »
Pire, ce succès viral a même trompé la vigilance de certains journalistes, dont le premier réflexe aurait dû être de contrevérifier l’information. « Ce n’est pas normal qu’on n’ait pas entendu d’experts mayas sur la question avant plusieurs jours. Cela aurait dû se faire dès le départ. Les médias ont eu tort dans ce cas là », conclut Catherine Mathys.
Un texte de Philippe Marois
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